« Le miroir grossissant de nos vulnérabilités »
Vingt-cinq ans après « La Moindre des choses », Nicolas Philibert revient avec un film, « Sur l’Adamant », Ours d’or à Berlin, tourné au sein d’un établissement où la psychiatrie est encore pratiquée de manière humaine.
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© Les films du Losange.
En 1996 sortait sur les écrans La Moindre des choses, film réalisé par Nicolas Philibert, qui avait posé sa caméra à la clinique de La Borde, haut lieu de la psychothérapie institutionnelle, qui donne le primat à la relation entre soignants et soignés, pendant toute la durée de préparation du spectacle qui y a lieu chaque année. Plus de vingt-cinq ans plus tard, le cinéaste aborde à nouveau le territoire de la folie, dans un lieu situé sur la Seine à Paris, l’Adamant, lui aussi régi selon la même « philosophie » de soins.
Comme d’habitude, le regard de Nicolas Philibert voit profondément mais en douceur. Sans mentir sur leur vulnérabilité, le réalisateur montre des patients riches d’un monde qu’ils portent en eux, avides de liens avec les autres, nourris pour beaucoup par les activités artistiques auxquelles ils s’adonnent, d’une lucidité souvent impressionnante et certainement surprenante pour qui ne les fréquente guère, c’est-à-dire pour la plupart des spectateurs.
Sur l’Adamant, œuvre forte et subtile ayant obtenu l’Ours d’or à la dernière Berlinale, sera suivi de deux autres documentaires sur le même thème avec des angles différents, le cinéaste ayant ainsi bouclé un triptyque sur la maladie psychique. Comme il le dit dans cet entretien, il y a « urgence » à reconsidérer la psychiatrie, depuis trop longtemps délaissée. Le faire avec Nicolas Philibert est un gage de grande conscience.
Vous débutez Sur l’Adamant comme La Moindre des choses, par une séquence dans laquelle quelqu’un chante. Est-ce pour marquer le lien entre les deux films ?
Nicolas Philibert : Non, pas du tout. Les deux films ont des points communs, tout en étant très différents, mais c’est simplement parce que, dans les deux cas, cela me semblait un bon début. Si j’ai choisi d’ouvrir Sur l’Adamant par une séquence dans laquelle un patient chante « La Bombe humaine », la chanson du groupe Téléphone, c’est parce qu’elle résonne de façon frappante avec l’univers de la psychiatrie. En la chantant, François l’incarne tellement que c’est comme si on en redécouvrait la portée. Et puis il y a cette phrase, l’une des toutes premières de la chanson, qui est comme une adresse aux spectateurs : « Je veux vous parler de moi, de vous ! » comme pour dire le fil qui nous relie tous.
Bien entendu, pour pouvoir utiliser la chanson, nous avons dû demander l’autorisation et négocier les droits auprès d’Universal, et cela a pris un certain temps. Au bout du compte, Universal a envoyé la séquence aux musiciens de Téléphone, et ils ont dit oui. Quand j’ai annoncé à François qu’ils l’avaient vu chanter leur chanson, il en a été bouleversé.
Pourquoi avoir voulu faire un nouveau film sur une structure de soins psychiques ?
Quand j’ai fait La Moindre des choses, l’idée d’un film à La Borde ne venait pas de moi. Des amis qui travaillaient en psychiatrie m’avaient incité à le faire, et au début cela ne me disait rien. J’avais de profonds scrupules à l’idée d’introduire
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