Vers un travail soutenable ?

La Dares, le service des études du ministère du Travail, publié une opportune étude sur l’insoutenabilité du travail. De quoi nourrir le mouvement social opposé à la réforme des retraites.

Thomas Coutrot  • 5 avril 2023
Partager :
Vers un travail soutenable ?
© Christopher Burns / Unsplash

Voilà ce qui s’appelle une publication opportune. En plein conflit des retraites, la Dares, le service des études du ministère du Travail, a publié une lumineuse étude sur l’insoutenabilité du travail (1), qui éclaire bien pourquoi les manifestant·es, les grévistes et 90 % des actifs ne peuvent supporter l’idée de travailler deux ans de plus.

En réponse à la question « vous sentez-vous capable de faire le même travail jusqu’à votre retraite ? », 37 % des salarié·es répondent négativement, les femmes (41 %) plus souvent que les hommes (34 %). Les principaux facteurs explicatifs sont un travail physiquement pénible, mais aussi l’exposition à des risques psychosociaux, notamment quand on travaille en contact avec le public. Une santé fragilisée (en partie à cause du travail lui-même) réduit également le sentiment de pouvoir tenir jusqu’à la retraite.

Les changements organisationnels, dans la plupart des cas, dégradent la soutenabilité du travail.

Mais l’étude ne se limite pas à ces constats somme toute attendus, et explore une question plus originale : qu’est-ce qui permet de sortir de cette situation de travail insoutenable ? L’enquête « Conditions de travail » interroge les mêmes personnes en 2013, 2016 et 2019. Pour celles qui jugeaient en 2013 leur travail insoutenable, quels changements permettent d’expliquer qu’elles aient ensuite changé d’avis ?

La stratégie la plus efficace, c’est de changer d’emploi. Le risque de trouver son travail insoutenable chute alors fortement. On comprend pourquoi tant de salarié·es démissionnent en ce moment : ils et elles font jouer le mieux-disant sur les conditions de travail, et en particulier sur la question du sens du travail.

Sur le même sujet : La fin de la grande démission ?

Pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas changer d’emploi, les principaux leviers pour améliorer la soutenabilité du travail sont clairs : réduire l’intensité, améliorer le soutien du collectif de travail et surtout accroître l’autonomie. Mais ces leviers ne sont pas à la main des salarié·es : ils dépendent pour l’essentiel de l’organisation du travail, le plus souvent décidée par l’employeur seul.

Sur le même sujet : Retraites : prendre deux ans de plus ?

L’étude apporte un éclairage majeur à cet égard : les changements organisationnels, dans la plupart des cas, dégradent la soutenabilité du travail. Avec une exception remarquable : quand le ou la salarié·e a été associé·e aux décisions lors du changement, la soutenabilité s’améliore. La clé se trouve donc dans le pouvoir d’agir des salarié·es sur l’organisation de leur travail.

Les pouvoirs publics tireront-ils les conséquences de cette démonstration d’un de leurs services ? On peut en douter, évidemment. Mais le mouvement social peut s’appuyer dessus pour élaborer sa stratégie et ses propositions en vue d’une véritable politique du travail.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don