Pesticides : le grand détricotage
La France s’est engagée à réduire de moitié son utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2025. Mais chaque tentative de réglementation du secteur, au niveau national aussi bien qu’européen, se solde par un échec.
dans l’hebdo N° 1760 Acheter ce numéro

© Idriss Bigou-Gilles / Hans Lucas AFP.
En octobre 2018, la loi alimentation (Egalim) interdisait en France la production de pesticides non autorisés dans l’Union européenne, jusqu’alors destinés à l’exportation vers les pays d’Afrique et d’Amérique latine. Six mois plus tard, un amendement glissé à l’intérieur de la loi Pacte – pour la compétitivité des entreprises – suspendait cette interdiction. Pourquoi un tel revirement, voté avec le soutien du gouvernement ? La réponse tient en un mot : Phyteis.
L’organisation professionnelle des producteurs de pesticides, qui rassemble 18 sociétés parmi lesquelles figurent les géants Bayer-Monsanto ou encore Syngenta, a exercé pendant cette période un intense lobbying. En 2018, année d’adoption de la loi Egalim, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a recensé 16 interventions du lobby auprès du gouvernement ou de parlementaires, pour des dépenses comprises entre 200 000 et 300 000 euros. L’objectif de Phyteis est clair, supprimer cette interdiction de production de pesticides à destination des pays en développement, quitte à mentir.
L’amendement adopté dans la loi Pacte en avril 2019 reprend ainsi un argument développé par le lobby : « Ce sont 2 700 emplois qui sont menacés. Il n’est donc pas opportun, actuellement, au regard de l’équilibre économique de ces entreprises et du nombre d’emplois concernés, d’imposer cette interdiction. » Après un passage au Conseil constitutionnel, la mesure est finalement retoquée car considérée comme un cavalier législatif. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais une enquête du média d’investigation normand Le Poulpe révèle que l’interdiction de production de certains pesticides n’a en réalité menacé aucun salarié. Les chiffres avancés par Phyteis étaient une pure invention, du chantage à l’emploi.
Nouvelles attaques au SénatLe 3 mai dernier, le président du Sénat a finalement mis en demeure Phyteis de respecter les obligations déontologiques auxquelles les lobbys sont soumis. Le sénateur écologiste Joël Labbé, à l’origine avec quatre associations (1) du signalement qui a conduit à cette décision, s’en réjouit : « C’est un symbole fort. Les lobbys de tous les côtés sont mis en garde sur leurs méthodes, mais c’est aussi un appel à la prudence pour mes collègues sénateurs qui se sont fait manipuler. »
Malgré les rappels à l’ordre, les attaques contre la réglementation des pesticides se poursuivent. Le 23 mai, le Sénat a adopté une proposition de loi « pour un choc
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