SNU : « Que nos enfants préparent la paix, pas la guerre ! »

TRIBUNE. Le collectif Non au Snu-IDF s’oppose à la généralisation à marche forcée du service national universel qu’il considère comme l’aboutissement d’une forme de militarisation de la jeunesse.

Collectif  • 21 novembre 2023
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SNU : « Que nos enfants préparent la paix, pas la guerre ! »
Manifestation contre un village SNU à Versailles, le 27 avril 2023.
© Lily Chavance

Le collectif Non au Snu-IDF regroupe des parents, des lycéen·ne·s, des enseignant·e·s, des professionnel·le·s de l’éducation populaire et des associations agréées « jeunesse et éducation populaire », des militant·e·s des syndicats SUD-Solidaires, CNT, CGT, MNL, Émancipation et des membres de l’Union pacifiste et de la Libre pensée.


Depuis son élection en 2017, le président Emmanuel Macron œuvre au développement de l’armée dans le champ de l’éducation. Le service national universel (SNU), intégré au plan « Ambition armée- jeunesse » de 2021, dont l’objectif est de recruter de jeunes réservistes, est un élément clé de sa politique. En trois phases, il permet d’installer au sein de l’école et de différentes institutions et structures éducatives l’idée d’une militarisation de la jeunesse en préparant les corps et les esprits à la guerre.

Le SNU consiste tout d’abord en « un séjour de cohésion » de deux semaines. Effectués en uniforme et largement encadrés par des militaires, ces séjours sont rythmés par des rituels empruntés à l’armée : « levée des couleurs », chant de la Marseillaise, marche au pas. La pratique sportive, les activités d’équipes, les formations aux enjeux de « défense, sécurité et résilience nationales » ou la participation à des événements mémoriels y sont systématiques. Certain·e·s encadrant·e·s introduisent le maniement des armes et initient aux techniques de combat.

Un financement rendu possible par les milliers de suppressions de postes, de fermetures de classe et la fin de dispositifs plus émancipateurs.

La seconde phase consiste en une « mission d’intérêt général » (MIG) de 84 heures réparties au cours de l’année. Elle peut être réalisée dans le secteur associatif, de l’économie sociale et solidaire, dans un service public ou dans un « corps en uniforme » (armée, police, pompiers…) (1). La dernière phase, facultative, dite « période d’engagement » (3 mois à 1 an) peut être effectuée de 16 à 25 ans, préférentiellement dans un « corps en uniforme ».

Jusqu’à cette année, le SNU se déroulait hors de l’école. Les participant·e·s, volontaires, étaient pour la plupart issu·e·s de familles de militaires ou de policiers (2). L’objectif aujourd’hui est d’« aller vers la généralisation du SNU » (3). Les enseignant·e·s en charge d’une classe de seconde ou de première année de certificat d’aptitude professionnelle (CAP) peuvent donc dorénavant déclarer une « classe engagée » sur le temps scolaire.

Sur le même sujet : Le « lycée engagé », machine à recruter pour le SNU

Le lien avec l’armée ou la défense n’est pas toujours évident, car « l’engagement » peut se faire sur des sujets comme l’environnement, la citoyenneté, le sport… mais ces classes incluront automatiquement le « séjour de cohésion », auquel l’enseignant·e référent·e n’est pas tenu·e de participer. Inscrits dans le cadre du « Pacte enseignant » (dispositif de primes via des heures supplémentaires ou des projets), ces dispositifs permettront aux enseignant·e·s d’améliorer leurs revenus et d’obtenir des financements. (4)

Nous ne tolérons plus la réappropriation par le gouvernement de termes qui nous sont chers (émancipation, engagement…) qui les détourne de leur sens.

À ce jour, le gouvernement s’en tient à des mesures incitatives et perpétue le principe du volontariat, mais l’idée d’en faire une condition pour l’obtention du permis, du Bafa ou de l’intégrer dans Parcoursup est envisagée (5). Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a aussi annoncé, dans le cadre de la « reconquête du mois de juin », l’obligation pour les élèves de seconde générale ou technologique d’accomplir deux semaines de stage en entreprise, dans l’administration ou au sein d’une association. Celles et ceux qui échoueraient à trouver un employeur auront l’obligation de participer au « stage de cohésion » (6).

Généralisé, le SNU coûterait plus de 3 milliards d’euros (7) par an à l’Éducation nationale. Un financement rendu possible par les milliers de suppressions de postes, de fermetures de classe et la fin de dispositifs plus émancipateurs. L’école n’est pas la seule cible de ce projet de militarisation (8).

Sur le même sujet : Stage ou SNU ? L’étau se resserre sur les élèves de seconde

Des liens entre l’armée et la protection judiciaire de la jeunesse existent déjà et le secteur de l’éducation populaire est dans le viseur depuis un moment. Le gouvernement sollicite en effet les associations afin d’utiliser leurs locaux et leurs personnels pour l’organisation des « séjours de cohésion » et pour qu’elles en fassent la promotion. C’est la mise au pas de toute une jeunesse qui est en projet.

Nous refusons que les jeunes préparent la guerre !

Nous, professionnels de l’école, du milieu associatif, de l’éducation populaire, lycéen·e·s, parents d’élèves, militant·e·s syndicaux, pacifistes et antimilitaristes, demandons la suppression du SNU. De nombreux dysfonctionnements au cours des séjours (abus de pouvoir, discriminations, humiliations verbales ou physiques) ont été dénoncés dans la presse. Des conditions de travail aberrantes ont parfois été révélées. Cela ne nous étonne pas. Il y a une incompatibilité fondamentale entre les enjeux guerriers du SNU et ceux de développement intellectuel, social et psycho-affectif de la jeunesse.

Nous ne tolérons plus la réappropriation par le gouvernement de termes qui nous sont chers (émancipation, engagement, bienveillance, cohésion…) qui les vide ou les détourne de leur sens.

Cette tactique fausse tout débat et empêche la réflexion critique. Nous nous inquiétons du climat anxiogène et délétère qui préside à cette offensive de militarisation et d’endoctrinement. Nous revendiquons l’indépendance de l’enseignement, de la formation et de l’éducation populaire par rapport à l’armée. Nos missions ne relèvent pas de l’embrigadement, mais d’une éducation émancipatrice où les enfants et les adolescent·e·s, les professionnel·le·s, ainsi que les parents coopèrent pour un futur serein, conscient et ouvert au monde, respectueux du vivant et de chacun·e. Conditions nécessaires pour la paix.

Le collectif Non au SNU-IDF


(1) Près de 50 % des missions en 2021 ont eu lieu au sein de « corps en uniforme », Allan Popelard, Le Monde diplomatique, octobre 2023.
(2) « Le SNU concerne actuellement 32 00 volontaires par an, dont près de 40 % ont un parent policier, militaire ou pompier », Allan Popelard, Le Monde diplomatique, octobre 2023.
(3) Extrait d’un discours Gabriel Attal au Sénat le 18 octobre 2023, cité dans les Échos, « Stage ou SNU, les élèves devront choisir au moins de juin« , 19 octobre 2023.
(4) Bulletin officiel, 29 juin 2023.
(5) « Le SNU va être intégré en classe de seconde, annonce Sarah El Haïry au Figaro« , Aude Bariéty et Caroline Beyer, Le Figaro, Paris, 15 juin 2023.
(6) « Stage ou SNU, les élèves devront choisir au moins de juin« , Les Échos, op. cit.
(7) « Le service national universel : la généralisation introuvable« , Rapport d’information du Sénat n° 406 (2022-2023), déposé le 8 mars 2023.
(8) Rappelons-le, Prisca Thévenot, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, est en charge de la jeunesse et du SNU.



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