Poitiers : le préfet désavoué sur la « désobéissance civile » d’Alternatiba

Attaqués par le préfet Jean-Marie Girier, les 15 000 euros de subventions attribués à Alternatiba par la mairie et la communauté de communes de Poitiers ont été validés par le tribunal administratif. Pour ce dernier, l’association a bien respecté le contrat d’engagement républicain.

Nadia Sweeny  • 1 décembre 2023
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Poitiers : le préfet désavoué sur la « désobéissance civile » d’Alternatiba
Atelier de formation à la désobéissance civile non violente, lors d'un "Camp climat" près de Nantes.
© Alternatiba

Camouflet pour Jean-Marie Girier, préfet de la Vienne et ancien directeur de campagne d’Emmanuel Macron en 2017. Le tribunal administratif vient de retoquer ses demandes insistantes pour faire sauter deux subventions données en juin 2022 par la ville de Poitiers, dirigée par l’écologiste Léonore Moncond’huy et la communauté de communes, à Alternatiba Poitiers. Le préfet visait les 15 000 euros votés en juin 2022 pour aider à l’organisation du Village des Alternatives, un événement festif autour des enjeux du changement climatique, les 17 et 18 septembre 2022 à Poitiers.

Le préfet, réputé en mission commando pour contrer les élus EELV locaux, fustigeait notamment une « formation à la désobéissance civile » animée par des membres des associations Extinction Rébellion Poitiers et Greenpeace Poitiers et un atelier « On passe à l’action ». Dans ces écrits, le préfet indiquait que cela était incompatible avec le contrat d’engagement républicain qui engage les associations.

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Il invoquait notamment les engagements n° 1 et 5 du contrat. Le premier porte sur « le respect des lois de la République » et impose l’interdiction d’« entreprendre ou inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ». Le second, exige de l’association qu’elle s’engage à ne pas provoquer ou cautionner la haine ou la violence. Or, d’après le préfet Girier, « les propos relevés lors de la manifestation ainsi que les formations qui y ont été dispensées démontrent que l’association tend à inciter à l’organisation d’actions manifestement contraires à la loi, violentes ou susceptibles de troubler l’ordre public et que le Village des Alternatives a permis une mobilisation pour les manifestations à venir qui se sont notamment déroulées à Sainte-Soline les 29 et 30 octobre 2022, et plus généralement a été une incitation voire une caution à l’organisation d’actions violentes ultérieures », peut-on lire dans la décision du tribunal administratif.

Cette décision donne une première application raisonnée et exigeante du manquement au CER, ce qui est rassurant pour l’avenir.

Me M. Ogier

Non, répondent les magistrats. Tout d’abord, les manifestations de Sainte Soline ont eu lieu bien après les ateliers et on ne peut retirer des subventions pour l’organisation d’un événement sous le prétexte d’événements qui se sont produits à sa suite. De plus, « on ne peut résumer toute l’action à ce seul atelier » qui « comportait un jeu de rôle sur la désobéissance civile non violente ». Après avoir analysé son contenu, le tribunal administratif juge qu’« à aucun moment, les participants n’ont été incités par les animateurs de cette formation et de cet atelier à effectuer ou à mettre en œuvre des actions violentes ou de nature à troubler gravement l’ordre public, ni subi des provocations à la haine ou à la violence envers quiconque que l’association aurait implicitement cautionnées. »

Il en conclut que le contrat d’engagement républicain (CER) a donc été respecté. Pour Me Marion Ogier, avocate de plusieurs organisations représentées dont la Ligue des droits de l’homme, « cette décision donne une première application raisonnée et exigeante du manquement au CER, ce qui est évidemment rassurant pour l’avenir ».



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