Affaire Geneviève Legay : le commissaire écope de six mois de prison avec sursis

Le tribunal correctionnel de Lyon a rendu son verdict ce vendredi 8 mars dans l’affaire de la charge policière ayant gravement blessé la retraitée et militante d’Attac, en 2019. Le commissaire Souchi, condamné, fait appel.

Oriane Mollaret  • 8 mars 2024
Partager :
Affaire Geneviève Legay : le commissaire écope de six mois de prison avec sursis
Geneviève Legay, à l’ouverture du procès du policier Rabah Souchi, au tribunal de Lyon, le 11 janvier 2024.
© JEFF PACHOUD / AFP

Un commissaire peut-il être tenu pénalement responsable des blessures causées par une charge policière qu’il a ordonnée ? Pour répondre à cette question, les 11 et 12 janvier 2024, le tribunal correctionnel de Lyon a analysé jusque dans ses moindres détails la matinée du 23 mars 2019, à Nice. Du côté des parties civiles, Geneviève Legay – une manifestante de 73 ans gravement blessée ce jour-là par la charge policière au cœur de ce procès -, un journaliste et l’association Attac.

Sur le même sujet : Affaire Geneviève Legay : un commissaire aux abois sur le banc des accusés

Sur le banc des accusés, pour la première fois, le commissaire ayant ordonné la charge policière en question, Rabah Souchi. Ce 8 mars, le tribunal correctionnel de Lyon a condamné le policier à six mois de prison avec sursis. Une sanction en demi-teinte : lourde parce qu’inédite, et pourtant si légère au regard des séquelles de Geneviève Legay.

« Faire jurisprudence pour toutes les victimes de violences policières »

Celle-ci a immédiatement réagi à cette condamnation à l’occasion d’une prise de parole publique devant le palais de justice de Nice. « Six mois de prison avec sursis, c’est peu, mais le réquisitoire du procureur était magnifique, a-t-elle affirmé. Si j’ai voulu faire ce procès, c’est pour faire jurisprudence pour toutes les victimes de violences policières. » Contactée, l’association Attac, partie civile également dans ce procès, abonde. « C’est une date importante parce que pour la première fois, un donneur d’ordre est condamné, se réjouit Lou Chesne, porte-parole d’Attac France. Ça acte la fin de l’impunité policière. »

Six mois de prison avec sursis, c’est peu, mais le réquisitoire du procureur était magnifique.

G. Legay

Pour rappel, Geneviève Legay, c’est cette manifestante aux cheveux blancs et drapeau arc-en-ciel dont la chute brutale a fait le tour des médias le 23 mars 2019. Ce jour-là, militante d’Attac de longue date, elle participe à un rassemblement national des gilets jaunes, non déclaré, à Nice. Nous sommes à la veille d’une visite du président de la République française, Emmanuel Macron, et de son homologue chinois, Xi Jinping. Alors que le rassemblement se déroule dans le calme, les forces de l’ordre chargent.

Sur le même sujet : Geneviève Legay, la pacifiste jetée à terre

Geneviève Legay est violemment projetée au sol et perd connaissance. Souffrant de fractures du crâne et d’hémorragies intracrâniennes, elle restera deux mois à l’hôpital. « Je suis malvoyante, je ne tiens pas vraiment debout, j’ai perdu le goût, l’odorat et une partie de l’audition, témoignait-elle lors du procès. Je suis vraiment diminuée et dépendante. C’est difficile à accepter. »

Un commissaire bien seul sur le banc des accusés

Les 11 et 12 janvier 2024, le tribunal correctionnel a longuement décortiqué le maintien de l’ordre du 23 mars 2019, s’attardant sur chaque instant de cette journée jusqu’à la chute de Geneviève Legay. L’homme ayant ordonné la charge policière, le commissaire Rabah Souchi, a comparu seul sur le banc des accusés. Il a tenté laborieusement de se cacher derrière la loi et sa hiérarchie, affirmant avoir obéi aux ordres du directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), absent à l’audience tout comme le préfet de l’époque, Georges-François Leclerc, aujourd’hui directeur du cabinet de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.

Les autres protagonistes du maintien de l’ordre présents ce jour-là ont accablé le commissaire Souchi, lors de la phase d’instruction ou directement à la barre. Celui-ci a tenté de rejeter la faute sur le major de la compagnie départementale d’intervention (CDI) qui a bel et bien poussé Geneviève Legay.

Il va pouvoir continuer sa carrière dans la police, c’est scandaleux !

L. Chesne

Les explications bancales de Rabah Souchi ont moyennement convaincu le tribunal correctionnel de Lyon, lequel a reconnu que cette charge était « non justifiée, non proportionnée et non nécessaire ». Le commissaire a écopé de six mois de prison avec sursis, conformément aux réquisitions du vice-procureur. Sans inscription au casier. Une dispense qui ne passe pas, du côté des parties civiles. « Il va pouvoir continuer sa carrière dans la police, c’est scandaleux ! » s’indigne la porte-parole d’Attac. Elle ne croit pas si bien dire. Début février, Rabah Souchi a été nommé directeur adjoint de la police municipale de Nice.

Ce qui est devenu une affaire emblématique pour les victimes de violences policières n’est pas terminée : Rabah Souchi a décidé de faire appel de la décision lyonnaise.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »
Justice 1 juillet 2025 abonné·es

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »

Deux soldats franco-israéliens sont visés par une plainte de plusieurs ONG, déposée ce 1er juillet à Paris, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis à Gaza. Ils sont accusés d’avoir participé à des exécutions sommaires au sein d’une unité baptisée Ghost Unit.
Par Maxime Sirvins
Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes
Terrorisme 28 juin 2025

Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes

De l’instruction à la barre, les 16 prévenus ont constamment invoqué la crainte de la guerre civile qui les a poussés à rejoindre le groupe. Ils ont brandi cette obsession, propre à l’extrême droite, pour justifier les projets d’actions violentes contre les musulmans.
Par Pauline Migevant
Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale
Idées 28 juin 2025 abonné·es

Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale

L’idéologie accélérationniste s’impose comme moteur d’un terrorisme d’ultradroite radicalisé. Portée par une vision apocalyptique et raciale du monde, elle prône l’effondrement du système pour imposer une société blanche.
Par Juliette Heinzlef
Médine : « Ça fait des années que je m’attends à ce qu’une balle se loge entre mes omoplates »
Entretien 25 juin 2025 abonné·es

Médine : « Ça fait des années que je m’attends à ce qu’une balle se loge entre mes omoplates »

Le rappeur, visé par le groupe d’extrême droite AFO, se constitue partie civile lors du procès de ses membres. Il explique en exclusivité à Politis la nécessité de riposter sur le terrain judiciaire dans un contexte de montée du racisme et de l’islamophobie.
Par Pauline Migevant