Retrouver le temps : l’âge de la retraite, marqueur de la gauche
La conquête du temps libre, notamment grâce à la retraite, et en refusant d’augmenter l’âge de départ légal, définit ce que signifie être de gauche dans notre pays. Au crépuscule du conclave sur les retraites, partis et syndicats feraient bien de s’en rappeler.

© Lily Chavance.
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Conclave sur les retraites : le piège se referme sur les syndicats « La mobilisation pour les retraites n’a pas bouleversé la donne syndicale » Retraites : avant de censurer, les socialistes à la recherche éternelle de l’équilibreQu’est-ce qu’être de gauche ? Cette question bien générale et théorique pourrait ne pas avoir beaucoup d’intérêt. En fait, elle est ravivée par les divisions à gauche et il n’est que de lire les commentaires sous les articles et les vidéos pour mesurer qu’elle en agite plus d’un. Peut-on dire sommairement qu’être de gauche, c’est vouloir l’égalité et élargir les libertés ? Concrètement ces enjeux se nouent, et depuis longtemps, autour de la conquête du temps libre – et notamment celui de la retraite. Plus précisément, ils se cristallisent autour de l’âge légal de départ à la retraite. Rien à faire, dans notre histoire française, on ne peut pas être de gauche et vouloir – ni même accepter – un recul de cet âge.
Celui qui oublie que la retraite est la promesse de liberté et de sécurité n’a pas sa place à gauche.
F. Mitterand
Nul ne niera que la question des retraites engage de nombreux autres sujets : son mode de financement, son pilotage, le mode de calcul des droits, les mesures compensatoires pour les femmes, ceux qui ont commencé tôt, ceux qui font des métiers pénibles, les éventuelles décotes, etc. Tout cela est vrai, oui mais… à quel âge peut-on partir ?
Le premier mandat de François Mitterrand, celui de la gauche unie au pouvoir, s’inscrit presque entièrement dans les mémoires avec l’abolition de la peine de mort et la retraite à 60 ans. Pour paraphraser ce président à la rose affirmons que « celui qui oublie que la retraite est la promesse de liberté et de sécurité n’a pas sa place à gauche ».
Un marqueur politique et syndical
Et l’enjeu dépasse nettement la gauche. Il est aussi devenu un marqueur syndical. La CFDT a bien failli ne pas se remettre de son soutien apporté, en 1995, à la réforme Juppé qui s’en prenait aux retraites. C’est bien sur ce combat qui, il y a deux ans, unifia les syndicats comme très rarement dans l’histoire française. Ajoutons qu’on souhaite bien du courage aux candidats qui viendront à la présidentielle prochaine promettre un nouveau recul de cet âge légal. Et on anticipe bien du plaisir aux socialistes tant qu’ils ne reviendront pas de façon critique sur la réforme Touraine qui réussit à faire avaler un tel report.
La CFDT a bien failli ne pas se remettre de son soutien apporté, en 1995, à la réforme Juppé qui s’en prenait aux retraites.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la retraite est, en France, LE marqueur politique. La politique n’est pas faite que de symboles ; mais elle n’est qu’administration des choses si elle les néglige. Elle a pour tâche laïque et concrète de réaliser la haute promesse, celle du poète ou du prophète : le temps retrouvé.
Alors que s’achève le conclave créé par le nouveau Premier ministre, François Bayrou, pour parfaire sa légende d’homme de dialogue et pour acheter la non-censure de son gouvernement par les socialistes, le sujet redevient brûlant. Les syndicats restés à la table de négociations abandonneront-ils cette promesse que nous nous sommes faite et échangeront-ils les 62 ans contre des avancées partielles ? Les socialistes n’ont plus aucune raison de douter de l’orientation très inégalitaire et très complaisante avec les idées de droite de Bayrou et son gouvernement. Alors, quand va revenir le sujet de la retraite, il va leur être posé cette question : tiendrez-vous, vous aussi, votre part de notre promesse collective ? Nous l’attendons ; nous l’espérons.
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