Netanyahou-Trump, duo infernal

Tandis que le président états-unien annonce cessez-le feu et plan de paix, le premier ministre israélien intensifie les bombardements et la colonisation. Dans ce processus, les Palestiniens ne sont pas sujets de leur propre histoire.

Denis Sieffert  • 2 juillet 2025
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Netanyahou-Trump, duo infernal
Donald Trump et Benyamin Netanyahou à la Maison Blanche, le 7 avril 2025.
© SAUL LOEB / AFP

L’un parle, l’autre agit. L’un promet la paix et la félicité, l’autre redouble de bombes et de fièvre colonisatrice. Apparemment, les agissements criminels de Benyamin Netanyahou à Gaza et en Cisjordanie contredisent les discours iréniques de Donald Trump. En vérité, il y a au milieu des deux une certaine logique, sans que l’on puisse parler de connivence. Trump a en poche son plan de paix. Il veut y amener le premier ministre israélien, qui se hâte, lui, de préparer le terrain en tuant un maximum de Gazaouis, en rendant invivable leur territoire et en étendant les colonies de Cisjordanie que, précisément, Trump veut annexer. Où est la contradiction ?

Ce qui est donné à Israël, c’est pour tout de suite ; ce qui est promis aux Palestiniens, c’est pour un lendemain incertain parsemé d’embûches.

Donald Trump a fait fuiter dans une presse américaine amie un projet de cessez-le-feu assorti d’un plan global pour la Palestine. Le procédé est toujours le même depuis le plan de partage de 1947, qui confiait 55 % du territoire à une population juive qui n’en possédait que 7 %. C’est un peu le pâté d’alouette. Beaucoup de colonisation et peu d’État palestinien. Assez pour autoriser Trump à affirmer qu’il a converti Netanyahou à la solution à « deux États ». Le moindre lopin de terre fera bien l’affaire. L’arnaque est double, sur la répartition territoriale et sur la temporalité. Ce qui est donné à Israël, l’annexion de toutes les colonies, c’est pour tout de suite ; ce qui est promis aux Palestiniens, c’est pour un lendemain incertain parsemé d’embûches. Ce qu’on a coutume d’appeler un « processus de paix ».

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Le projet Trump n’échappe pas à la loi du genre. À Gaza, les dirigeants du Hamas seraient contraints à l’exil, et les Gazaouis « qui le souhaiteraient » pourraient quitter l’enclave, mais sans que l’on sache pour quelle destination et dans quelles conditions d’accueil. Leurs aïeux ont déjà connu ça en 1948 : des camps de toile dans des sociétés inhospitalières. Quant à ceux qui resteraient, on ignore leurs conditions de survie dans ce champ de ruines qu’est devenu Gaza. L’administration de l’enclave impliquerait l’Arabie saoudite. Tous les ingrédients du pâté d’alouette sont donc une fois de plus en cuisine. L’objectif de Trump ne serait aucunement de satisfaire la revendication nationale palestinienne, mais de circonvenir l’Arabie saoudite pour l’amener à rejoindre les accords d’Abraham, avec la perspective de juteuses affaires pour lui et son clan.

C’est un peuple affaibli jusqu’à la dernière extrémité que veulent Trump et Netanyahou.

Car voilà bien la marque « Trump ». Le président américain prend toujours sa commission. On l’a vu encore ces jours-ci avec l’accord de paix signé à Washington (ce n’est pas un détail) entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. L’arrêt d’hostilités sanglantes qui duraient depuis trente ans et le respect de l’intégrité territoriale par le Rwanda, qui opérait sur le territoire congolais avec le faux nez du mouvement M23, sont autant d’aspects apparemment positifs. « Un jour merveilleux », a commenté Donald Trump, qui lorgne les sous-sols congolais riches de 60 % des réserves mondiales de coltan, un minerai stratégique pour l’industrie électronique. Dès le mois d’avril, un accord minier avait été envisagé sans que l’on en connaisse les détails. Rien de tel à Gaza, où il n’y a pas de minerais rares, mais la perspective déjà évoquée sans pudeur de gigantesques contrats immobiliers.

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Mais, derrière ce « plan de paix », c’est surtout l’Arabie saoudite que Trump espère faire tomber dans son escarcelle. Essayons d’être aussi cynique que Trump et Netanyahou. Plus le massacre actuel se prolonge, plus nombreux sont les Gazaouis qui tombent dans une embuscade pour avoir été chercher un sac de farine, et plus le « plan de paix » sera facile à mettre en œuvre. Les Palestiniens, dépourvus de tout, sans vivres ni abris, et menacés de mort à tout instant, offriront moins de résistance aux invitations au départ « volontaire ». C’est un peuple affaibli jusqu’à la dernière extrémité que veulent Trump et Netanyahou.

Trump, ivre de toute-puissance, entend même recomposer la coalition de Netanyahou.

Enfin, soulignons que, dans ce processus, les Palestiniens ne sont pas sujets de leur propre histoire. Alors que le Hamas serait condamné à l’exil, l’Autorité palestinienne n’apparaît guère dans le projet. Rien n’est fait, évidemment, pour revitaliser la structure jadis proto-gouvernementale toujours présidée par un homme de 90 ans, Mahmoud Abbas, réputé pour sa faiblesse face à Israël. Enfin, côté israélien, cela supposerait un changement de majorité. Pour cela, Trump, ivre de toute-puissance, entend même recomposer la coalition de Netanyahou et sommer la justice israélienne de renoncer à ses poursuites contre le premier ministre corrompu. Dans quel monde sommes-nous ?

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