Salon en trompe l’œil

Claude-Marie Vadrot  • 8 mars 2007 abonné·es

Au salon de l’agriculture qui se termine dimanche, les vaches au poil peigné, les moutons et les chèvres mangent du foin ; à s’en faire péter la sous-ventrière ! Les poules à la crête bien rouge, les oies et les canards se goinfrent de grains divers. Que du na-tu-rel ! Comme les porcs, tout propres, qui n’ont jamais si bien bouffé et en grognent de plaisir. Une visite, même moins longue que celle du Président, permet de comprendre : à la porte de Versailles, nous sommes au salon de la communication de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), devant lesquels ­c’est incontournable­ la plupart des candidats à la présidentielle viennent se prosterner.

J’ai donc cherché en vain, au détour des stands, où étaient les farines, les tourteaux, les granulés, ces « bons » produits qui sont l’ordinaire de la majorité des élevages, même quand les poulets ou les veaux, je ne sais plus, sont censés courir en plein air. Une heure par jour ou par semaine, cela dépend, quand le fonctionnaire ou le complice du ministère de l’Agriculture passe vérifier le bien-fondé de l’un des vingt-deux labels, logos et autre certificats d’origine qui entretiennent savamment la confusion du consommateur [^2]. Y compris quand un voyage en camion transforme un jambon industriel breton en jambon d’Aoste ou un fromage quelconque en parmesan. J’ai cherché aussi vainement tous les OS de l’agriculture, ces paysans-travailleurs exploités en dessous du Smic auxquels de grosses entreprises amènent veaux, porcs, dindes ou poulets « à finir », en les laissant se débrouiller avec des déchets dont personne ne veut. La France est la première productrice européenne de céréales, de pommes de terre (celles que l’on envoie éplucher en Tunisie avant de les rapatrier pour en faire des « chips à l’ancienne » !), de viande de boeuf et de betteraves.

Le salon de l’agriculture apparaît ainsi comme un trompe-l’oeil, reflet d’une France qui disparaît car, malgré leur courage et leur obstination, les agriculteurs paysans, les producteurs bios, les petits producteurs qui cherchent à raccourcir les circuits vers le consommateur sont en voie de disparition. Ils constituent le gros des troupes décimées de la Confédération paysanne. Leurs exploitations disparaissent tous les jours.

À la porte de Versailles, un service de com veut faire oublier l’agrobusiness dominant aux visiteurs et à leurs enfants. Il n’y a pas que la célèbre vache Titine que les candidats caressent dans le sens du poil.

[^2]: Seul certificat régulièrement vérifié sous l’oeil attentif de l’agriculture productiviste : le logo bio AB, qui garantit qu’un produit alimentaire ne contient aucun résidu chimique.

Écologie
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