La martingale du bonus-malus

Patrick Piro  • 28 août 2008 abonné·es

Côté finances, le thème de rentrée est lancé : ça sera le bonus-malus, et c’est Jean-Louis Borloo qui en fait la promotion, ministre de l’Écologie après avoir été privé en juin 2007 du portefeuille de l’économie, ce qui ne doit pas lui déplaire.
Appliqué depuis janvier dernier aux voitures neuves, ce mécanisme fiscal rencontre un succès inattendu : prime à l’achat des voitures les moins émettrices de CO2 contre surtaxe aux plus polluantes, il a affecté 45 % des intentions d’achat quand les experts avaient estimé que l’impact ne dépasserait pas 7 % ! Ce qui motive Borloo à négocier son extension à une vingtaine de produits de consommation courante – électroménager, électronique, ampoules, etc. –, liste a priori tenue « secrète » afin d’éviter les mouvements importants de report ou d’anticipation d’achat ayant affecté le marché automobile fin 2007.

Alors qu’il devait rester neutre pour les caisses de l’État, le bonus-malus a déjà coûté 140 millions d’euros, au point que le ministre du Budget, Éric Woerth, réclame que l’on transforme le mécanisme en un « malus-malus ». Ce qui irrite Jean-Louis Borloo, renvoyant son collègue au chantier des « 77 milliards d’euros de niches fiscales » quand il estime qu’avec 100 millions d’euros, « il sauve la planète » , et qu’il est en train d’inventer un nouveau modèle économique ! [^2]
Parlons donc chiffres : c’est très cher payé pour une réduction des émissions estimée à 8 grammes par kilomètre (g/km), contre 160 g/km en moyenne pour les voitures neuves. De l’ordre de 800 euros la tonne de CO2 évitée, quand elle coûte environ 20 euros sur le marché d’échange européen.
En bon crypto-ministre de l’Économie, Borloo se garde d’évoquer les raisons peu écologiques de son « succès ». En effet, le bonus est attribué dès que les émissions passent sous le seuil peu exigeant de 130 g/km, quand les associations avaient souhaité qu’il soit fixé à 120 g/km. De fait, il a joué le rôle de soutien du marché, en accord avec les constructeurs français, peu incités aux efforts (la moyenne de leurs modèles neufs stagnait à 143 g/km en 2007).
Il est donc question, pour éliminer cette sorte de subvention publique à la consommation et aux constructeurs, d’abaisser le seuil du bonus de 5 g/km tous les deux ans, et d’annualiser le malus, surcoût qui n’est actuellement payé qu’à l’achat, rejoignant ainsi les préconisations des associations. La pression du ministre des Finances pourrait donc avoir quelques bénéfices… écologiques !

[^2]: Le Monde, 19 août 2008.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Le changement climatique fait de plus en plus de victimes
Décryptage 3 novembre 2025 abonné·es

Le changement climatique fait de plus en plus de victimes

À l’approche de la COP 30, la crise climatique continue de s’aggraver. Si le phénomène s’intensifie, l’injustice climatique, elle, demeure. Pendant que les plus vulnérables sont en première ligne, une minorité d’ultra-riches continue d’alimenter ce dérèglement.
Par Maxime Sirvins
Dans l’archipel du Bailique, au Brésil : « Je crois qu’ici, tout va disparaître »
Reportage 3 novembre 2025 abonné·es

Dans l’archipel du Bailique, au Brésil : « Je crois qu’ici, tout va disparaître »

Au nord de Belem où se tient la COP 30, l’archipel du Bailique est en train de disparaître, victime de l’érosion des terres et de la salinisation de l’eau. Une catastrophe environnementale et sociale : les habitant·es désespèrent de pouvoir continuer à habiter leurs terres.
Par Giovanni Simone et Anne Paq
COP 30 : « L’accord de Paris est comme un phare, mais ce n’est pas une baguette magique »
Entretien 3 novembre 2025

COP 30 : « L’accord de Paris est comme un phare, mais ce n’est pas une baguette magique »

Marine Pouget, responsable « gouvernance internationale » pour le Réseau Action Climat, souligne le manque d’ambition des États en matière climatique et appelle à changer le modèle des COP pour aller vers plus de concret.
Par Vanina Delmas
Marie Toussaint : face à la destruction de l’Europe verte, « tenir le coup et se battre »
Entretien 21 octobre 2025

Marie Toussaint : face à la destruction de l’Europe verte, « tenir le coup et se battre »

L’eurodéputée écologiste raconte les coulisses du détricotage en cours du Pacte vert orchestré par la Commission européenne et appelle à une prise de conscience en France.
Par Caroline Baude et William Jean