« Les Verts veulent une Europe sociale ! »

Troisième sur la liste d’Europe Écologie en Île-de-France, Pascal Canfin donne les grandes lignes du programme économique et social de ce parti et s’explique sur les clivages entre Verts européens.

Thierry Brun  • 28 mai 2009 abonné·es
« Les Verts veulent une Europe sociale ! »

Ce n’est pas toujours évident de mener une campagne autour d’un programme. Europe Écologie, quatrième liste dans les sondages, est en effet surtout connue pour ses têtes d’affiche : Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Eva Joly. Et cela donne parfois un peu le tournis : José Bové et Daniel Cohn-Bendit ont des visions opposées sur le traité de Lisbonne ; tête de liste en Île-de-France, le député européen Cohn-Bendit chasse sur les terres centristes du MoDem tout en présentant une ­plate­forme des Verts européens pourtant ancrée à gauche. Symptôme d’un manque de cohésion entre Verts, en France comme au Parlement européen ? Pas vraiment, répond Pascal Canfin, en troisième position sur la liste d’Europe Écologie en Île-de-France  [^2]. « Avec la GUE [Gauche unitaire européenne], les Verts ont le groupe qui a les votes les plus cohérents au Parlement européen. Il y a donc une très forte cohérence idéologique, qu’on soit Vert allemand ou français, contrairement au Parti socialiste européen ou au PPE [droite], où les clivages nationaux sont très forts. »

Difficile pourtant d’échapper aux clivages. « On n’est pas d’accord sur tout, admet Canfin, qui a planché pendant deux ans avec les Verts européens sur les sujets économiques et sociaux. Par exemple, sur les services publics, il y a de vraies divergences entre nous et les Verts allemands, plus libéraux sur cette question. Cela implique des compromis. »

La position historique des Verts français est aussi d’affirmer qu’un service public ou une entreprise publique comme EDF ne sont pas forcément des modèles écologistes. D’où le vote de certains d’entre eux, en particulier Cohn-Bendit et Gérard Onesta, en faveur de plus de libéralisation de l’électricité et du gaz lors de l’adoption du troisième paquet Énergie en 2008. « On ne peut pas considérer que le nucléaire est défendable parce qu’on est une entreprise publique ! » , affirme Pascal Canfin. Faudra-t-il s’attendre à des entorses au programme des Verts européens quand il s’agira de voter au Parlement une nouvelle directive de libéralisation d’un secteur public ? «  Non, car dans le programme des Verts européens, porté en France par Europe Écologie, figure clairement la mention d’un moratoire sur toute nouvelle libéralisation. C’est un engagement pris par l’ensemble des futurs eurodéputés écologistes. »

Et un programme très social est-il ­tenable quand le coprésident des Verts européens est aussi un partisan du traité de Lisbonne ? « Les Verts européens ont rejeté la directive sur le temps de travail et la directive Services dite “Bolkestein” et son principe du pays d’origine » , répond Pascal Canfin, qui ajoute : «  Nous avons même voulu que le Parlement vote le fait que le principe du pays d’origine soit considéré comme incompatible avec les valeurs de l’Union. Mais nous avons perdu ce combat car les socialistes européens ne nous ont pas suivis. Pour autant, nous sommes conscients que la construction d’une vraie Europe sociale implique une modification des traités. C’est pourquoi nous sommes favorables à ce que le Parlement européen s’autodésigne comme une constituante de façon à pouvoir, non pas remettre l’ensemble de l’architecture des traités sur la table, mais faire quelques propositions sur des points clés comme le principe de non-régression sociale, une proposition d’Attac, ou le passage des questions fiscales de l’unanimité à la majorité qualifiée, pour faire avancer l’Europe sociale. »

Une Europe sociale selon les Verts européens promet également un revenu minimum européen qui permette dans chaque État de satisfaire les besoins fondamentaux. Mais le gros morceau de ce programme social est la conversion écologique de l’économie : « Selon nous, les salariés de Continental, par exemple, ne sont pas voués à vie à produire des pneus. J’étais récemment chez Continental et sur le site d’ArcelorMittal. On n’a pas dit aux représentants syndicaux qu’on voulait plus de pneus et d’acier. Ni qu’on allait acheter la paix sociale avec un chèque. Nous avons dit : “Vous avez un savoir-faire dans la sidérurgie, l’automobile, des compétences qui peuvent être utilisées dans le cadre du développement de l’économie verte et de la conversion écologique de l’économie.” »
Le plan européen de conversion que proposent les Verts prévoit ainsi la création de « 5 à 10 millions d’emplois nets en Europe. Et avec la crise actuelle, des compétences se libèrent. Il faut que ces salariés aient un cadre sécurisé en termes de revenus, et donc une sécurité sociale professionnelle, comme le revendiquent la CGT et la CFDT ». Pascal Canfin l’affirme : *« C’est un discours que les syndicalistes que nous avons rencontrés entendent. Encore faut-il que l’on mène une politique publique pour créer ces emplois verts… »
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[^2]: Il est aussi membre de la commission économique des Verts et auteur du Contrat écologique pour l’Europe, éditions Les Petits Matins, 144 p., 10 euros.

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