La grève sur le (trop) tard

Sébastien Fontenelle  • 18 février 2010 abonné·es

Nous sommes, je crois, plusieurs (dizaines de) millions qui souhaitons maintenir la retraite à 60 ans [^2].

En face, ils sont, grosso merdo, une et demi – Laurence Parisot et Kozy – à juger qu’il faut, d’une part, changer l’âge légal de départ à la retraite (et le porter, si possible, à 105 ans, histoire de régler une fois pour toutes la question), et, d’autre part, moderniser notre désuet régime par répartition, qui sent très fort le bolchevisme, en le mélangeant de gros morceaux de capitalisation – ne serait-ce que parce que, dans « capitalisation », il y a certes « isation », mais il y a également « capital », qui est l’un des plus jolis mots de la langue française (avec aussi « Balkany ».)
Donc, nous sommes des (dizaines de) millions, et ils sont un et demi. (Disons un et deux tiers, si je rajoute les talonnettes [^3].)

Par conséquent, le rapport de forces nous est plutôt vachement favorable dans le prétendu débat sur la-réforme-des-retraites. Et ça tombe assez bien, parce qu’en fait de débat il s’agit, comme souvent sous le règne décomplexé de la DRH [^4] qui étend sur nos vies son emprise, d’un rustique simulacre, où la décision de réformer est déjà prise, et où seule la forme de la réforme [^5] peut éventuellement être débattue, histoire de faire comme si on était en démocratie.

Dès lors, nous devrions déferler par (dizaines de) millions dans les rues et n’en plus bouger, sauf bien sûr pour lever haut de fières banderoles annonçant qu’on est en grève, Kozy, et qu’elle est générale, et qu’on ne l’arrêtera (ou pas) qu’après que tu auras signé la promesse que tu renonces à la-réforme-des-retraites (puisque tu as fait le courageux choix de te démettre).

Mais ce n’est pas du tout ce qui va se passer, du moins le crains-je fort fort, car nous avons, aux syndicats, les Dupond et Dupont de la soumission sociale, Bernard Chérèque et François Thibault (ou l’inverse), qui, pour contrer l’offensive de Parikozy, ont plutôt prévu, j’essaie de l’… De l’écrire s… Sans trop baf… Baf… Bafouiller de rage, de «  fixer une date » pour une « manifestation fin mars, après les régionales » , où seront défendus « l’emploi et le pouvoir d’achat » – et qui naturellement se terminera vers 19 heures, histoire de pas rater le journal de Pujadas, où sera ovationné le « réalisme » des syndiqueux gentils.
En matière de retraite(s), ces deux-là (et quelques autres orfèvres de la grève sur le (trop) tard) ne connaissent qu’un régime : celui de la débandade.

 
 

[^2]: Perso, je serais même partisan de la retraite à 42 ans, mais je n’oblige personne.

[^3]: C’est franchement pas élégant, m’a-t-on dit l’autre jour, de moquer la (minuscule) taille du chef de l’État français. Je suis d’accord, ai-je répondu : c’est petit.

[^4]: Droite régimaire hideuse.

[^5]: Avoue que c’est pas tous les jours qu’on te balance de l’allitération de si gros niveau ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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