Écotaxe suspendue, gouvernement à la dérive

Patrick Piro  • 29 octobre 2013 abonné·es

Jean-Marc Ayrault a cédé à la pression des manifestants bretons, suite aux violents affrontements de cette fin de semaine : exit l’éco-taxe de quelque 13 centimes par kilomètre, qu’auraient dû supporter à partir de janvier 2014 les poids lourds circulant sur le réseau routier français (sauf autoroutes et quelques axes « stratégiques »).

Illustration - Écotaxe suspendue, gouvernement à la dérive

Ce recul est catastrophique pour le gouvernement , à plus d’un titre.
Tout d’abord, c’est Hollande encore une fois qui mange son chapeau : 18 mois après son arrivée au pouvoir, on ne compte plus les coupes claires qu’il a consenti dans ses promesses électorales.
Ensuite l’exécutif, déjà fortement fragilisé par les incartades internes à la majorité, lâche une nouvelle parcelle de son autorité en capitulant face à des revendications catégorielles et locales. Alors même que le gouvernement avait déjà lâché beaucoup de lest, accordant des dérogations dont la Bretagne était déjà la première bénéficiaire, qu’il semblait prêt à d’autres concessions pour sauver la taxe quitte à en réduire la portée, et que cette taxe, née sous Sarkozy lors du Grenelle de l’environnement (2007), recueillait un large consensus politique.

Devant une autre fronde catégorielle, celle du football professionnel vent debout contre la taxation à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros par mois, le président, qui va recevoir les dirigeants de club, ne risque en revanche pas de céder : facile, il a l’opinion derrière lui à 85 %. Par contraste, le report de l’éco-taxe n’en fera que plus crûment ressortir l’inconsistance du gouvernement.
Et son incompétence. Car enfin, cela fait six ans que l’administration se penche sur la question. Cette taxe devait entrer en vigueur en 2011, avant d’être reportée de nombreuses fois pour mille raisons techniques et de fond, principalement sous les assauts des professionnels sur transport — qui se frottent les mains aujourd’hui. Après des mois de consultation des parties, on a peine à comprendre que le projet d’éco-taxe finisse taillé en pièces par la rue.

Plus grave, le gouvernement alimente sa déroute , sur le plan de la communication de l’image, et surtout de ses options fondamentales. Alors que la nécessité d’une réforme fiscale est admise depuis des lustres, et notamment l’adoption de mécanismes favorables à l’écologie, la suspension de l’éco-taxe consomme son échec en la matière, après le « report » de la taxe sur le diesel en septembre dernier (on attend avec intérêt les commentaires d’Europe écologie les Verts). L’outil fiscal, si performant et générateur de justice sociale quand il est bien réfléchi, apparaît aujourd’hui, sur fond de crise économique et de démagogie d’une partie des commentateurs, comme l’arme des tourmenteurs du peuple.

Enfin, mais le gouvernement n’en est pas à un souci près , le défaut d’éco-taxe poids lourds se traduira en 2014 par une perte budgétaire de près d’un milliard d’euro : où le gouvernement les trouvera-t-il ?

Politique
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