Le gouvernement (effrontément)

Quand la Macronie autorise les interdictions de manifester, il s’agit de « garantir le droit de manifester »…

Sébastien Fontenelle  • 6 février 2019 abonné·es
Le gouvernement (effrontément)
© crédit photo : LUDOVIC MARIN / AFP

D****ans le règne politique (1), la pratique du mensonge peut mener au pire – quand par exemple un gouvernement en use de manière si continue que les mots s’en trouvent complètement vidés de leur signification et que l’idée même de la vérité s’en trouve finalement abolie (2).

Pour plus de détails, relire 1984 : dans la cauchemardesque tyrannie policière imaginée par George Orwell, cette destruction du langage a été, comme on sait, si bien parachevée que « l’esclavage » y est « la liberté » ; et « la guerre », « la paix ». Puis, pour prendre l’exacte mesure de ce qui est à l’œuvre dans la France de 2019 : se pencher sur quelques récentes déclarations de certain·e·s des ministres dont se sont équipés MM. Macron et Philippe. Comme Frédérique Vidal, qui est à l’Enseignement supérieur. Ou le sidérant Christophe Castaner, qui est à l’Intérieur.

La semaine dernière, en effet – deux mois et demi après l’annonce gouvernementale, faite en novembre 2018, d’une augmentation de près de 1 500 % (tout de même) des droits d’inscription dans les universités françaises dont les étudiant·e·s « ne résidant pas dans l’espace économique européen » doivent s’acquitter –, la première a très sérieusement soutenu que « jamais un gouvernement n’avait » pareillement « fait de l’accueil des étudiants internationaux une priorité ».

Comme gigantesque bobard, ça se posait déjà un peu là, puisque donc – insistons-y, car c’est un scandale d’une rare ampleur – ledit gouvernement venait au contraire d’inventer un système exceptionnellement scélérat de tri par l’argent de ces étudiant·e·s et d’élimination des plus démuni·e·s.

Mais c’est Christophe Castaner qui, intentionnellement ou non, a le mieux dit le très (très, très) inquiétant niveau d’impudente menterie où la Macronie est désormais installée, en déclarant, dans le moment précis où l’Assemblée nationale autorisait les interdictions administratives de manifester (3) : « En aucun cas il ne s’agit d’autre chose que de garantir le droit de manifester. » Or il n’est sans doute pas complètement anodin qu’un si grossier mensonge puisse désormais être proféré si effrontément – et par le même ministre qui, dans le même temps qu’il attaque ainsi le sens des mots, durcit aussi, jour après jour, la répression policière et judiciaire de toute contestation.

De sorte qu’il ne serait sans doute pas non plus complètement superflu de s’inquiéter pour de bon de l’orwellisation quotidienne du règne de M. Macron.

(1) Comme, du reste, partout ailleurs.

(2) J’aimerais bien pouvoir affiner un peu, mais la place me manque : j’ai déjà utilisé, depuis le début de cette chronique, un sixième des deux feuillets (3 000 signes, espaces compris) dans lesquels je suis contraint, semaine après semaine, de la comprimer – et dont je réclame le doublement depuis des temps si reculés que la mémoire s’en est perdue.

(3) Qui constituent, selon Amnesty International, « un grave recul en France d’une liberté fondamentale ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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