Chers concitoyens européens…

…par Giorgos Faraklas *

Bernard Langlois  • 5 juillet 2015
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« Jamais la Grèce n’a eu un gouvernement aussi européen »

En 1967 ils ont pris ma mère. Quelques jours seulement après, nous
sommes partis pour un autre pays. En 1974, la Turquie a envahi Chypre.
Quelques jours seulement après, mon père a été mobilisé. Aujourd’hui, je
vis un moment de peur et d’impuissance, comme alors. Chers concitoyens
européens, vous, pourquoi nous imposez-vous une telle épreuve?

Pour quelle raison ne taxons-nous pas les plus riches? Pourquoi ne
protégeons-nous pas les plus pauvres? Pourquoi ne serions-nous pas
gouvernés par des gens non responsables de la situation où nous nous
trouvons? A quel point supporteriez-vous, à dire vrai, de voir des gens
ruinés dormir sur les trottoirs, manger dans les poubelles et se
suicider? Ne voudriez-vous pas vous aussi faire quelque chose pour eux?

Vous avez raison, nos propres hommes politiques nous ont détruits. Et
c’est qui les avons élus. Et beaucoup d’entre nous se sont arrangés
d’une situation de perpétuelle illégalité des transactions financières.
Et il y a eu des gens qui ont reçu des salaires sans travailler. Mais il
y a tous ceux qui travaillaient, qui ne volent pas, qui n’exploitent pas
leurs semblables, mais souffrent de leur douleur, et se réjouissent de
leur joie. Vous ne les connaissez pas, parce que nous ne sommes pas
encore assez unis. Parce que nous tenons ici un discours minoritaire.
Parce que partout la culture du régionalisme et de la haine du prochain
est, malheureusement, un commerce florissant.

Mais vous aussi, acceptez que nous soyons plus pauvres, mais n’acceptez
pas que vos représentants nous imposent des mesures qui créent des
inégalités entre nous, inégalités que vous, vous n’accepteriez pas dans
votre pays. Punissez nous d’avoir laissé vos « grands seigneurs » nous
endetter autant, mais pas parce que nous voulons répartir plus justement
entre nous le poids de la dette. Faites confiance au gouvernement auquel
nous avons fait confiance. Nous avons nos raisons pour ne pas faire pas
confiance à nos autres hommes politiques. Permettez moi de dire que vous
aussi, à notre place, vous auriez fait de même.

Si nous disons « non », nous ne disons pas non à l’Europe. Au contraire,
jamais nous n’avions élu un gouvernement avec un profil si européen. Il
est le premier à avoir donné la nationalité aux enfants d’immigrés, le
premier à respecter le statut humain des prisonniers, le premier à se
soucier réellement des minorités, le premier qui semble prêt à lutter
contre la corruption. Nous disons « non » à une façon d’envisager les
choses qui ne nous laisse pas combattre l’injustice dans notre pays de
la façon dont nous savons qu’elle doit l’être. Nous demandons à payer
nos dettes en les répartissant d’une manière que nous savons être plus
efficace et plus juste.

Bien à vous.

**Giorgos Faraklas enseigne la philosophie politique à l’université Panteion.*

(Traduction :Frédérique Bouvier)

Publié dans
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Temps de lecture : 3 minutes
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