Réfugiés : quand la réalité ridiculise nos peurs irraisonnées

Branle-bas de combat : des hordes de réfugiés (tendance islamistes de surcroît) déferlent sur la vieille Europe affolée, submergée. Mais qu’en est-il en réalité ?

Le Yéti  • 7 septembre 2015
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Réfugiés : quand la réalité ridiculise nos peurs irraisonnées

Accueil des réfugiés... en Allemagne

En réalité, nos phobies face à l’arrivée des réfugiés sont similaires à ces terreurs nocturnes exacerbées, incontrôlées, qui nous paraissent proprement ridicules une fois que nous sommes réveillés.

France : un demandeur d’asile pour 1000 habitants

Si le chiffre de demandeurs d’asile a bondi en 2014 à plus de 625 000 personnes [^2], la répartition des demandes d’asile est très irrégulière selon les pays membres de l’UE : un tiers des demandes est fait en Allemagne, 13% en Suède, 10% en Italie et en France (en baisse de -5% par rapport à 2013 !).

Le déséquilibre dans la répartition est encore plus flagrant lorsqu’il est rapporté en proportion de la population de chaque État membre : Suède
(8,4 demandeurs d’asile pour mille habitants en Suède, loin devant la Hongrie (4,3), l’Autriche (3,3), l’Allemagne (2,5) et la France (1 !). À titre de comparaison, pour la même période, 1000 Libanais devaient caser une moyenne de 178 réfugiés.

Illustration - Réfugiés : quand la réalité ridiculise nos peurs irraisonnées

Enfin, pour spectaculaire — et surtout tragique — qu’il soit, l’afflux migratoire de 2015 doit aussi être relativisé : au premier trimestre de cette année, 185 000 primo-demandeurs d’asile se sont présentés aux portes de l’UE (pour moitié afghans, syriens et kosovars, ce qui en dit long sur les causes de ces migrations), soit 86 % de plus qu’au premier trimestre 2014, mais guère plus qu’au quatrième. Avec toujours les mêmes irrégularités de répartition : plus de la moitié des primo-demandes d’asile en Allemagne (+32 % par rapport au T4 2014)) ou en Hongrie (+ 17%)… mais en baisse de -41 % en Suède, de -28 % en Italie et même de -5 % en France.

Les souris, les araignées et les réfugiés

C’est dire si la phobie que manifeste le plus grand nombre des Français face à l’arrivée des réfugiés (selon les sondages) est grosso-modo au niveau de la peur panique qu’inspirent les araignées ou les souris à certains de nos concitoyens. Ainsi donc nos petites villes de 1000 habitants, qui se désespèrent d’être démographiquement désertées, ne seraient pas en mesure d’accueillir un habitant de plus en moyenne ?

Notre réputation autoproclamée de « terre d’accueil » en prend un coup d’autant plus terrible que la France se situe aussi très loin du peloton de tête en terme de régularisation des demandes d’asile : en 2014, plus de 45 % des demandes d’asiles obtenaient un statut protecteur dans l’UE… mais seulement 22 % en France malgré la faiblesse relative réelle du nombre de demandes dans notre pays.

Prompte à surfer, non sur ce que les Français pensent tout bas, mais sur leurs répulsions collectives les plus incompressibles, Marine Le Pen a eu beau jeu ce week-end de revenir sans complexe sur les vieilles antiennes paranoïaques de son père : haro sur les réfugiés, les islamistes, les souris indésirables et les araignées à peaux pas assez claires !

La mobilisation de quelques Justes, ceux-là mêmes qui accueillent les réfugiés par des applaudissements et force vivres ou médicaments ne doit hélas guère faire illusion : en période de crise, la démocratie est la plupart du temps l’expression majoritaire de la médiocrité et du lâche égoïsme. Et il n’y a guère que certains allumés confinés pour voir des résistants humanistes — de préférence catholiques — partout en France.

Quant à nos autorités qu’en dire ? Dans l’incapacité de s’en prendre aux nouveaux « passeurs » du moment (les compagnies ferroviaires et d’autobus européennes), le président Hollande vient de décréter dans sa conférence de presse de ce lundi des bombardements aériens contre l’État islamique en Syrie, c’est-à-dire un renforcement de cet état de guerre qui est précisément la cause principale des flux migratoires de réfugiés !

[^2]: Tous les chiffres indiqués dans ce billet émanent de l’office de statistiques de l’UE, Eurostat, et sont tirés de trois études : « demande d’asile dans l’UE en 2014 », « demandes d’asile dans l’UE au premier trimestre 2015 » et « décisions sur les demandes d’asile dans l’UE ».

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