Unis avec les étrangers

Plusieurs initiatives ont lieu cette semaine pour réclamer la régularisation des travailleurs et des écoliers sans papiers.
Et répondre aux discours agressifs de Nicolas Sarkozy.

Olivier Doubre  et  Rémy Artignan  • 22 mars 2007 abonné·es
Unis avec les étrangers

Étrangers, avec ou sans papiers, ils vivent en France depuis parfois des dizaines d’années. Ils ont pour la plupart un travail, cotisent et payent des impôts. Leurs droits sont pourtant restreints et s’amenuisent encore. Il y a plus d’un an, naissait le collectif « Uni(e)s contre l’immigration jetable » (UCIJ) en réaction au projet de loi Ceseda [^2]. Réunissant d’emblée 200 structures signataires en janvier 2006, le collectif UCIJ totalise aujourd’hui 815 organisations associatives, syndicales ou politiques et plus de 106 000 signatures de soutien. Depuis, le texte de loi voulu par Nicolas Sarkozy a aussi fait son chemin : entrée en vigueur en 2006, la loi Ceseda réduit quasiment à zéro les possibilités de régularisation et durcit encore le traitement répressif des clandestins.

Illustration - Unis avec les étrangers

Manu Larcenet

À un mois de la présidentielle, de nombreuses organisations ont donc décidé de donner de la voix cette semaine. Tout d’abord, le Réseau éducation sans frontières (RESF), membre du collectif UCIJ, appelait mardi 20 à l’occupation des écoles parisiennes, afin de faire signer la pétition « Laissez-les grandir ici ! ». Vendredi 23, des projections du court-métrage Sans papiers ni crayons , réalisé par le Collectif des cinéastes pour les sans-papiers en collaboration avec des écoliers sans papiers, auront lieu à Montreuil (93) et à Reims.

Samedi 24 mars, se déroulera la grande journée d’action organisée par le collectif UCIJ, après des mois de préparation. Elle débutera à l’université Paris-III Censier [^3] par un forum intitulé « Immigration : où est le problème ? », avec de nombreuses interventions et des ateliers sur les questions du travail et des conditions de vie des sans-papiers, ainsi que sur l’état des mobilisations. Surtout, l’UCIJ rendra public un contre-rapport, mettant en évidence l’instrumentalisation des migrants dans les politiques actuelles. Enfin, à 18 h, une manifestation partira de l’université pour se rendre à l’église Saint-Ambroise, haut lieu de la lutte des sans-papiers [^4].

Par ailleurs, l’Organisation politique, qui n’est pas membre du collectif UCIJ, organise le jeudi 22 une « journée d’amitié avec les étrangers », avec des rassemblements à Lille, à Toulouse, à Rouen, à Reims et à Paris (métro Jaurès, à 15 h).

Toutes ces organisations dénoncent la loi Ceseda, qui ne prévoit plus que des régularisations sporadiques, fondées uniquement sur des « motifs exceptionnels » ou des « considérations humanitaires » qui, la plupart du temps, sont d’ailleurs invalidées par les circulaires d’application. L’asile politique, par exemple, est refusé au motif d’une hypothétique « protection sur une partie du territoire du pays d’origine » . Quant aux malades étrangers, le simple fait qu’un traitement approprié soit disponible « dans au moins une ville du pays d’origine » suffit pour refuser la délivrance d’un titre de séjour. Peu importe la réalité de l’accès aux soins ou le prix prohibitif dudit traitement.

La pression s’exerçant sur les sans-papiers s’est donc encore considérablement accrue ces derniers mois. À Paris, les habitants du XIIIe arrondissement, qui compte plusieurs foyers de travailleurs sans papiers, dénoncent ainsi l’accroissement massif des contrôles au faciès. RESF milite par ailleurs contre l’usage de méthodes iniques et déloyales, comme les fausses convocations administratives (visant à faire sortir de l’ombre les sans-papiers pour les expulser ensuite). Les policiers appliquent là une politique du chiffre, en droite ligne du discours décomplexé de Nicolas Sarkozy. À Marseille, le 5 mars, le ministre-candidat s’est en effet félicité d’avoir fait expulser 82 000 sans-papiers depuis 2002 (dont 24 000 en 2006, soit 140 % de plus qu’en 2002). « La stratégie d’immigration d’un pays, c’est l’identité de ce pays dans trente ans » , a-t-il déclaré, avant de lancer, trois jours plus tard sur France 2, son idée d’un « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » . Lundi 12, sur France Inter, il est allé au bout de sa pensée en affirmant que les émeutes de 2005 marquaient la faillite de trente années de politiques d’immigration. C’est bien un tel climat d’hostilité, fabriqué de toutes pièces, que les organisations souhaitent désamorcer avec les manifestations de cette semaine. Il est important qu’elles rencontrent un public nombreux.

[^2]: Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

[^3]: Amphithéâtre 4, 13, rue Santeuil, 75005 Paris, entrée libre et gratuite. Rens. : .

[^4]: En mars 1996, 300 sans-papiers africains avaient occupé l’église avant d’en être délogés.

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