Politique du sous-vide

Dans le jeu de chaises musicales de la rentrée, Yves Calvi a remplacé Frédéric Bonnaud. En attendant Paul Amar, successeur de Daniel Schneidermann.

Jean-Claude Renard  • 13 septembre 2007 abonné·es

Nonobstant. Définition du Robert : « de l’ancien français obstant et du latin obstans *, du participe présent de* obstrare , « faire obstacle » *. 1. Préposition. Sans être empêché par quelque chose, sans s’y arrêter. Voir dépit (en dépit de) ou malgré. 2. Adverbe. Voir cependant, néanmoins. »* Pas facile à négocier, le terme. « Nonobstant », c’est aussi le titre de l’émission d’Yves Calvi, successeur de Frédéric Bonnaud sur France Inter, du lundi au jeudi, de 17 h à 18 h.

« La Bande à Bonnaud » était en direct. Celle-ci est enregistrée. L’auditeur écoute, sans le savoir, un enregistrement « dans les conditions du direct » , selon le jargon de la maison. Un différé qui ne dit pas son nom. Une manière de saucissonner à sa guise, d’éviter les dérapages. C’est le sous-vide en cuisine, une tambouille aseptisée. Le direct garantit le sans-retouche.

À regarder de près les programmes radio et télé, ceci explique cela, on observe (adverbe nonobstant ?) qu’Yves Calvi se concurrence lui-même, entre 17 h 45 et 18 h 55 sur France 5, avec « C dans l’air », un « quotidien d’actualité pour décrypter l’actualité sociale, politique et culturelle » . Mais retour sur France Inter. Dans l’émission d’Yves Calvi, un invité. Cette semaine de rentrée, Jérôme Deschamps, le cosmonaute Jean-François Clervoy ou le psychanalyste Philippe Grimbert, et Roland Castro. Pas de quoi polémiquer, être empêché par quelque chose. Juste palabrer poliment. Là où « la Bande à Bonnaud » cultivait un ton polémique, une voix libre articulée autour d’un travail sérieux, Calvi lyrise le fenouil, sévit dans la verveine infusée.

Frédéric Bonnaud, justement. Malgré (nonobstant ?) son discours sur le « sarkozysme culturel » , en quittant France Inter, le voilà en chroniqueur sur Europe 1 (propriété Lagardère, où Thierry Ardisson vient d’être nommé conseiller spécial de Didier Quillot, président du directoire Lagardère active). Bonnaud rejoint ainsi Pierre Haski et Laurent Baffie. Pour Elkabbach, directeur d’Europe 1, « nous entrons dans une phase de conquête et d’anticonformisme » . On jugera sur pièces. Mine de rien, Mermet est bien la caution « politique » de France Inter.

La fin d’« Arrêt sur images » a fait beaucoup du bruit. France 5 mettait là un terme à l’un de ses magazines emblématiques, constitutifs de son identité, le décryptage des médias étant inscrit dans son cahier des charges. Le battage médiatique a peut-être incité les responsables de la chaîne à en rajouter une couche sur le décryptage des médias. « C dans l’air » se poursuit donc. Mais le magazine d’Yves Calvi ne décrypte pas. Il rebondit sur l’actualité. S’y additionne « C à dire » (la chaîne possède l’art des titres), tous les jours, à 17 h 30. Dix minutes en direct sous la houlette de Thierry Guerrier. Dix minutes pour commenter l’actualité avec un invité. Toujours pas d’analyse, nonobstant (malgré) le discours de la chaîne qui présente le programme court comme devant « décrypter et comprendre le monde qui nous entoure » .

Reste la cerise sur le gâteau : la succession d’« Arrêt sur images ». Elle prend l’antenne à partir du samedi 15 septembre, en direct à 19 h, sur la TNT, reprise le lendemain (à 13 h 15), présentée par Paul Amar, sous le titre « Revu et corrigé », alimentée de chroniqueurs et d’éditorialistes. Les médias n’ont qu’à bien se tenir. Quoique. Dans les communiqués de presse, on ne parle déjà plus de « décryptage des médias » mais « de décryptage de l’actualité ». Nuance subtile.

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