Bouffon Imperator. Les Cent (premiers, hélas) Jours du Bouffon Morbide

Ce récit en forme de journal est une fiction.
Le héros, par antiphrase, en est un danseur
de corde, bonimenteur
et escamoteur, rompu à tous les arts grotesques de la charlatanerie,
d’où son nom : Bouffon.
Ce n’est certes pas notre faute si Bouffon ressemble comme un frère (Bouffon s’attribue quantité de « frères », dont aucun n’est recommandable) à un personnage public récemment hissé sur le pavois, dont le nom et les agissements n’en finissent pas d’occuper (dans tous les sens du terme) les espaces publics : on verra dans cette coïncidence la pure et simple manifestation de l’état déplorable des affaires publiques.

Alain Brossat  • 20 décembre 2007 abonné·es
Bouffon Imperator. Les Cent (premiers, hélas) Jours du Bouffon Morbide
© Nouvelles Éditions Lignes~­~Politis, 2007.

Lors du défilé du 1er mai 2007, à Paris. LABAN-MATTEI/AFP

9 mai 2007 ­

Réflexion faite, Bouffon a décidé de reconvertir la retraite au couvent annoncée à coups de trompe peu avant l'épreuve finale ­ instant suspendu destiné à établir l'élu dans les dispositions convenant à sa charge ­ en croisière de luxe à Malte. Ce doit être à la sortie du Fouquet's, où était célébrée la victoire en compagnie de quelques preux (Johnny, Sardou, Faudel...), qu'un coup de baguette magique a métamorphosé l'austère cloître en yacht avec piscine. Bouffon commence fort et Libération fait dans la facilité, en titrant : « Boat people ».

10 mai 2007 ­

Chez Bouffon, la totale discontinuité incohérente des énoncés successifs se compense avantageusement à coup d'effets de sincérité et d'arguments de camelot. Ainsi, à la veille de l'ordalie, le voici qui affiche son air le plus profond et dit : Si je suis l'Élu, ce qu'à Dieu plaise, je me retirerai du monde pendant deux semaines au moins, vouant ces longues journées de solitude à la méditation sur les servitudes et le sublime de la tâche qui m'est échue. Et comme ce sont les magazines qui constituent le plus courant des lectures bouffonnes, il énonce cette intention dans la langue burlesque du papier glacé : Je ferai le vide, afin de me laisser habiter par la grandeur de la fonction. Tant de hauteur de vue bouleverse le téléspectateur qui, le dimanche suivant, plébiscite Bouffon.

Et puis, lorsqu'à l'usage la Trappe se transforme en palais flottant, mis à disposition par un milliardaire, et que les journalistes qui ont encore (pas pour longtemps) mauvais esprit s'en esbaudissent un peu, Bouffon improvise immédiatement une autre pose, non moins réussie : comment, on en viendrait à me reprocher mon amitié pour ce brillant homme d'affaires ! Ah, Dieu fasse que la France qui est à la peine et à la traîne en compte davantage, de ces vaillants entrepreneurs par lesquels la croissance advient et revient, etc.

Ce qui compte, dans cette rhétorique des effets de manche, ce n'est pas la suite dans les idées, mais, tout au contraire, la qualité de la pose qui en élude l'absence. Dans ces gesticulations plus ou moins réussies (avec ce côté comédien spécialisé dans les rôles de composition et les numéros rodés) du politicien qui s'impose de plus en plus aujourd'hui (c'est l'affinité criante de Bouffon avec un Berlusconi), se manifeste la persistance de la figure de l'illusionniste crapuleux qui a fait irruption sur la scène publique dans l'Europe en ruines, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Avant de s'imposer en tête du hit-parade de la criminalité d'État des temps modernes, Hitler fut cela : inventeur de ce personnage du politique comédien, du comédien politique, un acteur davantage inspiré par la radio et le cinéma que par le théâtre (rompu à l'art des « prises » discontinues et travaillant dans l'optique du montage et des effets de continuité produits par celui-ci), l'inventeur d'une esthétique fondée sur la fusion du grotesque et de la terreur, de l'insignifiance et de l'effroi : Hitler le prophète, Hitler le vengeur, Hitler le plaignant, Hitler le socialiste, Hitler l'ami des trusts, Hitler le pacifiste, Hitler le conquérant ­ bref, Hitler comédien et martyr, pitre et vampire, Hitler le caméléon, brocardé par Brecht et Tucholsky, Heartfield et Chaplin...

La question n'est pas du tout, comme a tenté de l'accréditer l'intelligentsia ralliée au socialisme de patronage, que l'habit de lumière bariolé de Bouffon cache(rait) une chemise brune ; elle est, bien au contraire, que la démocratie d'opinion suscite ce type d'histrion dont l'agitation, à son tour, évoque irrésistiblement ces souvenirs d'une tout autre époque...

11 mai 2007 ­

Dans une tribune publiée par un quidam se présentant comme « conseil en communication publique et affaires publiques », cette hypothèse stimulante : ce qui a assuré la victoire de Bouffon, c'est qu'il a su se transformer en marque. C'est en tant que telle qu'il s'est vendu sur le « grand marché politique national », se manifestant comme « marque forte, identifiable, avec son territoire de communication, son positionnement, ses valeurs ».

L'idée incrustée dans la langue ligneuse du publicitaire serait celle-ci : le citoyen a définitivement basculé du côté de l'usager et du consommateur, il choisit et adopte désormais un candidat comme on opte en faveur d'une étiquette plutôt que d'une autre. L'homme ou la femme politique qui brigue ses suffrages est au fait de cette décisive évolution, il anticipe donc sur les comportements du public en se présentant lui-même comme un produit porteur d'une distinction particulière ­ ce qu'on appelle, précisément, une marque. Le programme du candidat devient, du coup, l'équivalent strict d'une publicité dont la destination est d'inciter à acheter. Il en irait donc ainsi du discours sécuritaire de Bouffon, de son agitation contre les étrangers sans papiers, etc.

Vu son métier, l'auteur de cette « opinion » se réjouirait plutôt de cette absorption du domaine politique par le marketing : il y voit assurément une confirmation de ce que son emploi vogue dans le sens du courant, davantage que celui des grincheux qui se font des scrupules à propos de la Politique d'Aristote. « Et vive [sic] les marques ! » est la conclusion joyeusement, impeccablement nihiliste de son papier.

12 mai 2007 ­

La petite, vraiment petite, taille de Bouffon saute aux yeux sur cette photo où il apparaît passant en revue, au lendemain de la victoire, une sorte de haie d'honneur grotesque composée de loufiats du Fouquet's en tablier, et qui l'applaudissent comme des automates. Les petits caporaux d'aujourd'hui ont les Austerlitz qu'ils méritent, et les gardes impériales qui vont avec. Badinguet lui-même, avec ses dents pourries et son maintien d'arsouille, ferait presque illusion rétrospective auprès de ce gnome paré d'un jeans qui l'engonce, d'une veste sport façon Rotary club, et qui lève la main du geste fatigué d'un jet-setter fêtard surpris à l'aube par les paparazzi.

13 mai 2007 ­

Sur une autre photo abondamment reproduite par la presse durant la fameuse escapade maltaise, Bouffon apparaît en jogger, Ray Ban (marque déposée) sur le nez, à couvert d'une voiture de police. Le précédant de quelques pas, un body guard baraqué en tenue sportive esquisse le geste de repousser le photographe importun. Si c'est ça, le jogging, je remise ma paire de New Balance (marque déposée) sans délai... Ce qui me plaît, dans ce document, c'est précisément l'effet de parataxe : l'alliance des signes d'insouciance auxquels s'associe habituellement le jogging avec les emblèmes vulgaires du pouvoir.

14 mai 2007 ­

Samedi matin, dans le train qui me conduit à Lausanne pour un sage colloque de philosophie politique, ce douanier (pas même policier aux frontières) qui, sûr de son fait, m'interroge : « Et qu'allez-vous faire en Suisse ? » et que, conséquemment et subséquemment, j'envoie sur les roses...

Désormais, le bouffonnisme va se diffuser dans l'atmosphère que nous respirons en particules policières toujours plus denses. Il va nous falloir inventer la version résistante, politiquement résistante, de ces masques de ouate ou de tissu qui se portent en Extrême-Orient, en cas de pic de pollution.

15 mai 2007 ­

On nous dit que la direction du Journal du dimanche a renoncé, non sans déchirant trouble de conscience bien sûr, à publier un article évoquant la non-participation au vote de Dame Bouffonne, lors du second tour de l'élection.

On nous dit aussi que ce titre appartient à un certain Arnaud Lagardère, lequel se déclare publiquement le « frère » de Bouffon. On ne nous dit pas pour qui la dame a voté au premier tour ­ si elle l'a fait. On ne nous dit pas non plus si la quantité de couleuvres qu'elle est décidée à lui faire avaler en sa qualité de First Lady se comptera au kilo ou en tonnes. On nous cache presque tout, au fond, après nous avoir ainsi mis en appétit...

16 mai 2007 ­

Je me demande parfois avec une pointe de joie maligne où en sont mes (trop nombreux) amis et connaissances qui m'exhortaient à « faire barrage » au pire annoncé en faisant offrande de mon suffrage, dès le premier tour, à la cheftaine scout. Maintenant que le pire est là, tel qu'en lui-même, vers quel maquis ont-ils dirigé leurs pas, en quel austère Guernesey ont-ils élu domicile ? Se pourrait-il que, prenant si peu au sérieux leurs propres vaticinations, ils en soient, comme l'an dernier, tout simplement à acheter leurs vacances sur lastminute.com ?

17 mai 2007 ­

De ma chambre de l'hôtel Foenix, Porto, j'assiste sur BBC News à la cérémonie de passation des pouvoirs. Sur le perron de l'Élysée, Bouffon tâte avec un sourire de maquignon le gras du ventre du prédécesseur, lui flatte l'encolure, lui lisse le poil. Cela fait quelques années déjà que les gens d'État ont pris le parti d'afficher leurs connivences et de simuler l'amitié la plus vive en parodiant les gestes et tutoiements des copains d'atelier et de bistrot. Ce n'est pas qu'il s'agisse, pour ces héritiers et parvenus, de faire populo, ce qu'à Dieu ne plaise, mais plutôt, en adoptant ces poses non protocolaires, de créer l'illusion de la plus grande des proximités entre gens de pouvoir et gens ordinaires. Pas une réunion du G8 qui, désormais, ne prenne ainsi, grâce aux Bush, Blair, Berlusconi, des allures de banquet de l'amicale des chasseurs de Romorantin. C'est un peu comme si, brusquement, Sir Clifford se mettait à parler le patois gaélique de Mellors, dans l'Amant de Lady Chatterley ...

18 mai 2007 ­

Avant même d'être une flagrante manifestation d'opportunisme politique, la désignation d'un éléphant socialiste sur le retour au poste de ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement de droite témoigne de la stricte équivalence des programmes de cette droite et de cette gauche, en matière de politique internationale : rien qui fasse la différence de manière significative sur les dossiers qui comptent ­ Israël/Palestine, Iran, Liban, relations avec les États-Unis, « lutte-contre-le-terrorisme-international »... La course au maroquin et aux postes, qui ne fait que commencer, n'est, dans ces conditions, que la version pressée du réalisme. Il est amusant, soit dit en passant, que cette dynamique s'inaugure avec le passage à l'ennemi du pionnier de la politique humanitaire et promoteur du droits-de-l'hommisme. Une séquence s'achève ici en débâcle, celle qui s'était inaugurée avec tambours et trompettes à la fin des années 1970 (opération « Boat People », cornaquée notamment par deux ralliés de choc à Bouffon).

19 mai 2007 ­

Bouffon, nous dit-on, ne craint pas d'afficher son train de vie patricien, ses vacances de parvenu, son goût pour le luxe et les dépenses somptuaires, tout ce côté tape-à-l'oeil de la réussite... En d'autres termes, la démocratie du plébiscite permanent veut être gouvernée avec paillettes et strass, et ses dirigeants doivent s'efforcer de ressembler aux animateurs des jeux télévisés qui se diffusent en prime time. Le Cincinnatus est, comme l'ours des Pyrénées, une espèce disparue, que remplace avantageusement le nouveau riche à la Bel Ami. L'institution politique ne prend même plus la peine de dissimuler son visage oligarchique et ploutocratique, bien au contraire, elle l'affiche, elle l'expose, convaincue, non sans motif, que le bon peuple téléphage en réclame toujours davantage...

20 mai 2007 ­

Ces derniers jours, Bouffon exhibe ses mollets sur le parvis du palais présidentiel, présentant au public, par la même occasion, et son short siglé Nike (marque déposée) de jogger supposé accompli, et sa forme inaltérable. Manière perfide, remarque le quotidien du soir, d'inscrire dans le « visuel » la différence d'avec son prédécesseur septuagénaire rassis et buveur de bière. Disons que ce qui s'expose ici, surtout, c'est la différence essentielle entre la simple santé, la bonne santé et la forme. Il ne suffit plus à l'homme d'État de publier régulièrement des bulletins de santé (au besoin interminablement falsifiés), il lui faut donner à voir par tous les moyens une forme explosive, une constitution de jeune homme perpétuel. Quelques remarques roboratives à propos de cette distinction fondamentale entre forme et santé dans la Vie liquide , de Zygmunt Bauman.

21 mai 2007 ­

À en croire le Parisien libéré , organe de référence en la matière, les yeux de Bouffon se seraient embués, ce mercredi, à la lecture par une lycéenne de la dernière lettre, adressée à ses parents, du jeune martyr de la Résistance Guy Môquet. Plutôt que comme un habile ou odieux simulateur, Bouffon apparaît dans cette scène comme une sorte d'automate programmé pour y aller de sa larme lorsque celle-ci est de rigueur, de son coup de menton quand celui-ci est attendu (devant un parterre de flics, par exemple), de son air de béatitude hilare s'il badine en compagnie de beaux esprits du calibre de Faudel et Johnny. Bouffon est un personnage à transformations, un Zelig de l'âge médiatico-publicitaire. Il n'est ni plus ni moins que la succession des situations qui le font et le défont.

22 mai 2007 ­

Dans le Monde daté de ce jour, le faiseur de bons mots mensualisé Greilsamer évoque à son tour les larmes de Bouffon, jaillies à l'évocation des mânes du jeune militant communiste fusillé à Châteaubriant. Il écrit : « Vous avez vu [Bouffon] transpirer, vous le verrez pleurer ? C'est déjà fait. À la cascade du bois de Boulogne, en rendant hommage aux trente-cinq jeunes résistants fusillés par les nazis en août 1944, en écoutant la lecture de la dernière lettre, etc. [Il] a été ému aux larmes. Nous aussi. »

Remarquable « nous aussi ». Rien de tel qu'une visible émotion patriotique éprouvée au souvenir du plus sublime de l'esprit de la Résistance pour souder le rassemblement formé autour de... Bouffon. À défaut de pouvoir décemment invoquer quelque proximité politique que ce soit avec celui dont la foi du charbonnier avait pour articles premiers les noms de Thorez et Staline, la lutte des classes, la dictature du prolétariat et la révolution, Bouffon invente le partage des larmes qui efface toutes les différences, le consensus lacrymal ­ et le chroniqueur normalisé lui emboîte le pas : un homme d'État de droite qu'émeuvent aux larmes les derniers mots d'un jeune héros communiste, c'est du solide, ça ne se loupe pas. De même qu'existe un bureau chargé de sanctionner la publicité mensongère, de la même façon l'escroquerie aux sentiments, en matière politique, devrait être réprimée. Nous aussi entendons faire valoir notre droit à ne pas pleurer avec n'importe qui.

23 mai 2007 ­

Le nouveau numéro 2 de la grande chaîne hertzienne privée était, il y a peu de jours encore, directeur de campagne adjoint de Bouffon. Voilà qui a, du moins, le mérite de la clarté et qui manifeste le renforcement des affinités électives entre marchands de sable et gardiens du temple. Ou : la vie de l'État, dans ses plus hautes sphères, aux conditions du show permanent.

24 mai 2007 ­

Bouffon, de notoriété publique, fait partie de cette catégorie (toujours plus nombreuse) qui s'est émancipée du monde du livre (de la galaxie Gutemberg) ; il n'en prend pas moins la pose, pour son portrait officiel, devant les tranches dorées des classiques au mètre linéaire qui composent la bibliothèque de l'Élysée. Le livre retrouve ici sa fonction purement instrumentale et décorative, comme le petit chien frisotté sur les genoux de l'épouse du riche marchand dans certains tableaux de la peinture hollandaise, le service à café en porcelaine de Sèvres dans certains intérieurs bourgeois du XIXe, etc. Pour le reste, ce défenseur intransigeant des « frontières » de l'Europe a planté dans le décor le drapeau bleu étoilé, comme une oriflamme au donjon d'une forteresse bien gardée.

Reproduit à plus de trente mille exemplaires et accroché dans toutes les mairies du pays, ce chromo est destiné à y entretenir la dérision de l'État pour une durée de cinq ans, reconductible.

25 mai 2007 ­

C'est un « bon sens » absolument mortifère qui, naguère, inspirait cette sentence à Bouffon : « Si la Turquie faisait partie de l'Europe, ça se saurait » , et qui, avant-hier encore (à Bruxelles), le poussait sur les chemins de la récidive : « Je n'ai pas changé d'avis [...] , je ne pense pas que la Turquie ait sa place dans l'Union européenne. »

Pensée basse et fausse évidence par excellence, car si l'Europe est faite d'une infinité de potentialités, elle est tout sauf ce que sont supposés dicter sa géographie, ses invariants culturels, ses atavismes religieux, tout, par définition, comme possible indéterminé, sauf ce que dicterait par avance la tyrannie de l'héritage. Page à écrire et non testament à exécuter. S'il ne s'agit que de se plier à ces prétendues injonctions que nous adresserait le passé, alors l'Europe est tout sauf un grand dessein historique à inventer, tout sauf une idée forte destinée à faire époque, à faire monde ­ elle n'est que la feuille de route d'une armée de fonctionnaires et aucunement notre affaire.

À la formule corrompue de Bouffon, destinée à rassembler les nostalgiques de l'Europe chrétienne et les tenants du « choc des civilisations », opposons la nôtre, qui nous laisse libres de faire de l'Europe l'oeuvre de création des générations montantes : si l'on savait par avance ce qu'est l'Europe, cela se saurait ! Nous avons connu tant de fantaisies, utopies, grands desseins, cauchemars européens, au cours des derniers siècles...

26 mai 2007 ­

Décidé à parer à toute éventualité, Bouffon nomme des « proches » (selon le vocabulaire en vigueur) aux postes clés à la direction de la police ; la DST et les Renseignements généraux emménagent dans les mêmes locaux, neufs, à Levallois-Perret ; le ministère de l'Intérieur, depuis quelque temps, lorgne sur la gendarmerie... À défaut d'être un penseur de grand-chose, à défaut assurément d'avoir lu Carl Schmitt, Bouffon a du moins l'intuition du Ernsfall, il sait que gouverner, c'est prévoir le cas d'exception, et se donner les moyens d'y faire face. Tout cela est un peu plus sérieux que les gesticulations sécuritaires et les litanies antiterroristes qui s'affichent dans la presse.

Et, pendant ce temps-là, nos rrrrrrévolutionaires, « 100 % à gauche », font leurs petits comptes d'apothicaires, dans l'attente des législatives ­ une voix, 1,65 euro ou : la politique « radicale » reconduite au niveau du tiroir-caisse.

27 mai 2007 ­

La distance protocolaire qui, naguère encore, séparait les corps des chefs d'États rassemblés en telle ou telle occasion manifestait physiquement l'écart persistant entre des positions, des intérêts, des souverainetés. La manie actuelle de ces messieurs-dames, poussée à son paroxysme par Bouffon, de se palper, étreindre, embrasser, tutoyer, congratuler..., et ce, avec d'autant plus d'ardeur que les journalistes et photographes sont témoins de ces effusions, semble destinée à adresser ce message puissamment tranquillisant au public : dormez, braves gens, nous, maîtres du monde, veillons à tout, dans la joie et la bonne humeur. Sur l'ardoise magique de cette promiscuité affichée, s'effacent tous les différends, toutes les rivalités et conflits d'intérêts. La Weltpolitik ainsi racontée aux peuples en images euphoriques en vient à ressembler à une partie de campagne racontée par un sketch publicitaire promouvant Hollywood chewing-gum.

28 mai 2007 ­

Le tour d'écrou qui constitue le fond des « réformes » proclamées urbi et orbi par Bouffon s'annonce, pour le moment encore, à coup de « mais » : « Je le dis sereinement : le droit de grève est indiscutable, mais la continuité du service public l'est tout autant. Je suis un homme d'écoute. Je respecte les partenaires sociaux. Je ne suis pas un idéologue. Mais je suis aussi un réformateur décidé. » Le procédé est classique : celui par lequel s'annonce, chez Shakespeare, un nouveau règlement de compte ( Jules César ).

29 mai 2007 ­

Au temps de la démocratie du public, le style de l'homme politique, du dirigeant

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Politique
Temps de lecture : 88 minutes