Courrier des lecteurs Politis 996

Politis  • 3 avril 2008 abonné·es

Débat sur la prostitution (suite)

Dans l’article sur la prostitution paru dans le n°994 de Politis , vous utilisez «abolitionnistes» entre guillemets, comme s’il s’agissait d’une position nouvelle ou extrémiste. Or, c’est la position de la France, et de tous les pays qui ont ratifié la convention internationale «abolitionniste» de 1949. Les associations de prostituées qui veulent que la prostitution soit reconnue comme un métier font souvent semblant de croire qu’«abolitionnisme» signifie stigmatisation et répression des prostituées. Or cette position est la position «prohibitionniste», celle des États-Unis. Au contraire, l’abolitionnisme refuse que les prostituées soient réprimées ou harcelées, et n’en a que contre les proxénètes.[…]

Dans un communiqué, le Mouvement du Nid dit partager les «préoccupations» des experts onusiens du CEDAW [Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes, dont la commission internationale siège à New York et examine si les pays signataires respectent ladite convention] sur plusieurs mesures de la politique française en matière de prostitution. Le CEDAW exprime dans ses observations finales, officiellement adressées aux autorités françaises, sa préoccupation quant à plusieurs mesures adoptées ces dernières années en matière de prostitution. Le comité cible particulièrement le délit de racolage passif et la conditionnalité de l’octroi d’un titre de séjour aux victimes de la traite en vue de la prostitution. […] Le Mouvement du Nid note avec intérêt que les observations finales des experts du CEDAW rejoignent à plusieurs égards les recommandations qu’il adresse régulièrement aux décideurs politiques français. L’association, qui rassemble 35délégations sur le territoire français et qui est présente au quotidien depuis soixante-dix ans auprès de plusieurs milliers de personnes prostituées françaises et étrangères, souligne que les conclusions du comité appellent l’État français à un respect plus rigoureux de ses obligations internationales. «En dénonçant le délit de racolage passif et les conditions d’octroi d’un titre de séjour aux victimes de la traite, le comité des Nations unies appelle surtout le gouvernement français à faire preuve d’une plus grande cohérence , déclare Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid. La France a ratifié la Convention des Nations unies de 1949 et la CEDAW. Il est donc naturel que les experts dénoncent des mesures qui, parce qu’elles s’attaquent aux personnes prostituées ou limitent leur protection, écartent la France du positionnement abolitionniste qui est censé être le sien.» […]

Christine Delphy, Clichy (Hauts-de-Seine)

Rêve de prof

À la rentrée, j’ai retrouvé une classe d’une vingtaine d’élèves, des CM2. Ils sont reposés après des vacances passées avec leurs parents, en colonie ou à participer à des activités mises en place par une mairie qui a su revisiter sa fiscalité au profit des plus démunis.

Au cours de l’année, on a pu découvrir des trésors de la littérature, explorer l’histoire, s’ouvrir sur l’espace géographique d’un monde en mutation. Par des activités de lecture et d’écriture, on a retravaillé les bases orthographiques et grammaticales indispensables pour réussir au collège. Des passerelles entre sciences et mathématiques ont été jetées[…].

Le maître supplémentaire du groupe scolaire est venu pour travailler en petits groupes et ainsi soutenir les élèves en difficulté passagère.

L’emploi de vie scolaire, grâce à son nouveau statut pérennisé et revalorisé, animait la bibliothèque, nous aidait en atelier informatique et aidait la directrice dans sa tâche administrative.

La mairie, grâce encore à une fiscalité revisitée, a embauché un animateur sportif et une animatrice culturelle. […] J’ai pu alors observer mes élèves en action en levant un peu la tête du guidon. En début d’année, nous sommes même partis en classe transplantée avec les CM1 dans un centre de plein air.

Grâce à un temps de présence réduit avec les élèves, un travail d’équipe s’est mis en place et un réel projet pour l’école a vu le jour.

Enfin, grâce à l’intervention du réseau d’aide, on a pu calmer le petit Nicolas S., qui était vraiment trop stressé et qui n’arrêtait pas de dire des gros mots à tous ceux qu’il croisait. On a pu lui faire comprendre que l’école de la République pouvait lui apprendre que la culture ne se résumait pas à Mickey et au jogging.

Un rêve qui s’est brisé quand je me suis réveillé et que j’ai découvert que notre ministre rééditait les programmes de 1954, qu’il mettait en place des stages de redressement et qu’il détruisait le service public d’éducation sans se soucier du rythme de vie de nos élèves.

E.Jeannot

Pour un boycott citoyen

Je ne vois pas au nom de quoi on demanderait aux sportifs de boycotter les JO de Pékin. Ils sont, pour la majorité, amateurs et s’entraînent quotidiennement depuis des mois, voire des années, en vue de cette compétition. Les JO sont pour certains l’aboutissement de toute une carrière, l’occasion unique de se confronter aux meilleurs.

« Ils ne sont pas seulement sportifs, ils sont aussi citoyens~! », dira-t-on.

Certes, mais quelle responsabilité ont-ils eu dans le choix du pays organisateur~[…]~? Pour la majorité d’entre eux, sans doute aucune. Alors faut-il vraiment se défausser sur eux pour exprimer «~notre~» désapprobation face à un régime liberticide~? Faut-il vraiment leur faire assumer les choix mercantiles et pour le moins douteux des comités olympiques (poussés sans doute par des appareils d’États alléchés par de juteux contrats)~?

Faut-il boycotter les JO de Pékin~? Sans doute, mais c’est à nous, citoyens, de prendre nos responsabilités sans nous décharger (plus ou moins hypocritement) sur les sportifs.

Pour clamer notre refus et notre condamnation, nous avons à notre disposition un moyen simple, et de surcroît «~quantifiable~»~: la télévision~! Refusons massivement de suivre les retransmissions de ces JO. Une forte baisse de l’audience serait un signal fort, tant pour les dirigeants de Pékin que pour les nôtres (en tout cas plus fort que les gesticulations des uns ou les condamnations convenues et attendues des autres). Ce serait également un moyen de toucher là où ça fait vraiment mal~: au portefeuille.

Boycotter les JO~? Chiche, on le fait~!

André Schwartz, Hoenheim (Bas-Rhin)

«~Minette~» et charbon

Je voudrais signaler une petite erreur dans l’article « La maigre recette des grévistes de Carrefour » de Xavier Frison, paru dans le n° 993 de Politis .

Pendant la grande époque de la sidérurgie, la vallée de la Fensch ne débitait pas son charbon pour la bonne raison qu’il n’y en avait pas. En revanche, elle regorgeait (et elle regorge encore) de minerai de fer, que les Lorrains appellent «~minette~». Le charbon était exploité plus à l’est du département, entre Creutzwald et Faulquemont.

Cette erreur n’enlève rien à la qualité de l’article de Xavier Frison, qui a tout à fait raison de donner les de Wendel en exemple pour illustrer ce qu’était le paternalisme patronal jusque dans les années 1970-1980.

François Pauly d’Illange

Erratum

L’Espagne est certes une monarchie constitutionnelle, mais c’est une monarchie. Notre voisin ibérique n’est toujours pas ou pas encore une République, comme le bloc-notes de Bernard Langlois l’affirmait rapidement dans le n°~995 de Politis .

Bernard Favier

Un problème d’étiquette

Le 9 mars, le maire de ma commune (8 000 habitants) était élu au premier tour. Sans bavures et sans étiquette~! Oubliée, perdue, égarée, l’étiquette… Le 9 mars, le conseiller général de mon canton était élu au premier tour. C’est le même homme, mais cette fois avec étiquette~: UMP. C’est aussi le même homme qui est suppléant de la députée UMP de notre circonscription… Monsieur le maire, pourquoi cacher votre appartenance quand vous êtes dans votre commune~? Auriez-vous honte~? Auriez-vous honte d’appartenir à cette droite qui vole aux pauvres pour donner aux riches~? Honte d’appartenir à cette droite qui cache sa police près des écoles pour arrêter les papis ou les papas sans papiers~? Qui montre du doigt les malades, les retraités, les chômeurs, les fonctionnaires comme autant de profiteurs de notre système~? Il n’y a peut-être plus que cela qui différencie la droite pétainiste de la droite sarkozyste~: ce sentiment de honte qui confine à la lâcheté~! Et encore~!

Ghislain Meulle, Champagnole (Jura)

La loi du plus fort!

Sommes-nous encore en démocratie~? Aux municipales à Saint-Girons, avec près de 10~% des voix, la liste PCF, Verts, Citoyens engagés obtient un siège sur 29 alors que la liste arrivée en tête (près de 53~%) en obtient 23~!

Aux élections régionales, le découpage par département lamine les petits partis~: il faut au moins 15~% pour avoir un siège au conseil régional alors que des listes régionales permettraient d’avoir des élus à partir de 5~% des voix.

Et c’est la même chose au niveau des européennes avec le découpage par grandes régions qui met la barre au-dessus de 10~% pour avoir un élu.

Le PS nous dit que c’est la loi~! Mais qui a voté la loi~? Pour les municipales et les régionales, le PS. Pour les européennes, l’UMP.

Cet accord tacite pour éliminer les formations modestes et imposer le bipartisme contredit totalement l’affichage «~démocratique~» de la proportionnelle~; car l’exclusion d’une partie importante des citoyens du jeu démocratique favorise l’abstention, le rejet des «~politiciens~» et la radicalisation de la contestation.

François Paumier (pour Les Verts)

De bonnes émissions

Merci à Julie Mollet d’avoir signalé l’émission radiophonique «~Les pieds sur terre~», que je regrettais de n’avoir pas vu citée~: courageuse, cette émission quotidienne n’hésite pas à traiter des sujets allant des réfugiés actuels dans attente de rejoindre l’Angleterre, depuis la fermeture de Sangatte, aux témoignages des gendarmes de la région de Tours après le suicide d’un des leurs, symbolisant leur malaise depuis la nomination d’un nouveau supérieur réclamant du chiffre par tous les moyens.

Je conseille une autre émission, «~Interception~», sur France Inter le dimanche matin, de 9 h à 10 h, qui a traité des thèmes suivants, par exemple~: «~le Kurdistan irakien~», «~des partitions pour mémoire~» (écrites en camps nazis, aujourd’hui orchestrées), «~renaître à Riace~» (village italien économiquement relancé par l’immigration africaine), «~les insoumis de Belleville~», «~JO, le revers de la médaille~», «~vie et mort d’un sans-logis~», ou des sujets sociaux a priori anodins où Angélique Bouin et Valérie Cantié n’hésitent pas, d’après leurs constats, à remettre en question les choix politiques et économiques de notre société.

Anne Pogodalla

À chacun son Tibet

Ce qui se passe au Tibet est bien, de l’avis de tous, scandaleux. Qu’un pays veuille étouffer une culture par une colonisation de peuplement et réprimer chaque rébellion en cachette, loin des yeux de tout média étranger, est-ce acceptable ? Bravo aux intellectuels et hommes politiques qui se mobilisent, ici et ailleurs. Mais chez nous, n’avons-nous pas notre propre « petit Tibet », avec la Kanaky, baptisée Nouvelle-Calédonie ? Là-bas où, paraît-il, ce serait la France (comme la Chine au Tibet…), la colonisation ne poursuit-elle pas son chemin, malgré les accords de Matignon de 1988 ? Exemples : quand les populations locales, en passe de devenir minoritaires chez elles, se voient souvent refuser, à compétences égales, des postes offerts à des fonctionnaires métropolitains (payés le double) ; quand il y a des mouvements syndicaux dont aucun média métropolitain ne se fait l’écho ; quand nos forces de l’ordre tirent à balles réelles (sans blessures, juste des dégâts matériels) ; idem, quand des syndicalistes sont emprisonnés illégalement durant un mois pour « délit d’attroupement », la France est-elle bien placée pour donner des leçons à la Chine ? Pourquoi, au pays des droits de l’homme, les Kanaks sont-ils toujours spoliés ? Les grands gisements de nickel de cette île en seraient-ils la cause ?

Léon Maillé, Millau (Aveyron)

Fusions techniques aux municipales

Dans son analyse sur le nouveau paysage de la gauche, Michel Soudais trouve l’argument de François Hollande contre les fusions techniques « recevable » . Car, selon lui, « il faut encore s’assurer que celles-ci [des coalitions arithmétiques] permettront de gérer collectivement la commune gagnée pendant six ans » . Écrire cela, c’est croire que les municipales sont une proportionnelle intégrale, ce qui n’est pas du tout le cas. D’après le code électoral, une liste qui fait 50% reçoit 75% des sièges. Même dans une triangulaire, avec 40% en tête au second tour, une liste reçoit plus de 60% des sièges. Par exemple, si le maire PS sortant d’Agen et ses colistiers PS, PC,Verts (43,8% des voix au 1er tour) n’avaient pas refusé une fusion avec la liste « La voix des classes populaires » (7,66% des voix au 1er tour), où l’indépendance de ses éventuels élus aurait été garantie afin de jouer leur rôle d’opposants (c’est le sens du mot « technique »), ils n’auraient pas pris le risque supplémentaire de perdre. Ils se sont en effet privés d’une dynamique de rassemblement qui aurait pu leur donner une confortable majorité au conseil municipal (par exemple, 26 élus « gauche institutionnelle », 4 élus d’extrême gauche et 9 élus de droite). Avec des résultats similaires au 1er tour, l’exemple de la commune du Haillan en Gironde a montré que c’était possible.

Alors que l’ex-maire d’Agen, François Hollande et le PS avaient une belle occasion de démontrer leur attachement au pluralisme démocratique au sein des conseils municipaux, ils ont choisi finalement de se comporter comme si la gauche radicale n’était qu’un éventuel réservoir de voix pour le second tour.

Albert Guillot, Agen (LCR)

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 12 minutes