NégaWatt, et tout de suite

Patrick Piro  • 3 avril 2008
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Existe-t-il des solutions acceptables pour faire face à l’accélération de la crise climatique ? La réponse est (encore) oui. Ça sera (de plus en plus) difficile, mais il est possible de tracer une feuille de route qui mène en 2050 à une moindre casse sans imaginer une révolution radicale de nos sociétés. 2050, c’est l’horizon considéré comme raisonnable par les experts (économistes notamment) pour parvenir à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre, ce qui permettrait de contenir le réchauffement planétaire à 2°C seulement d’augmentation d’ici à 2100 ­à supposer que cet objectif soit déjà insuffisant.

L’association négaWatt qui regroupe des experts indépendants, travaille depuis plusieurs années à l’élaboration de scénarios de la consommation et de production d’énergie, source de l’essentiel des émissions de gaz carbonique (CO2), principal des gaz à effet de serre (Il faudra leur adjoindre des hypothèses sérieuses sur la réduction des émissions de méthane).

De nombreux décideurs privilégient encore largement des solutions classiques consistant à miser sur le simple remplacement des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) par des énergies non-émettrices de CO2. Cette réponse «par l’offre» est vaine: bien qu’elles explosent un peu partout depuis quelques années, les énergies renouvelables ne représentent toujours qu’une fraction négligeable du total, car leur contribution est annulée par la croissance aveugle de la consommation d’énergie.

L’association négaWatt a contribué à en convaincre le sérail, en France: il faut d’abord miser sur le gigantesque «gisement» des économies d’énergie. C’est-à-dire s’attaquer à la demande: promouvoir une rigoureuse sobriété en traquant les gaspillages dans tous les usages (chauffage et climatisation, transports, usages de l’électricité); et tirer le meilleur parti de l’énergie (efficacité) à service rendu égal ­bâtiments très bien isolés, développement des transports en commun, véhicules urbains consommant 3,3l/100km, meilleur usage collectif des voitures, appareils plus performants, etc., domaines où la division des consommations peut atteindre de 2 à 5! En parallèle, négaWatt propose un développement très important de la production d’énergies renouvelables (avec un abandon du nucléaire vers 2035), dont on tirera alors tout le potentiel puisqu’elles substitueront la part utile des énergies fossiles (et non plus celle qui est «consacrée» au gaspillage).

Pour rendre sa démonstration plus robuste, l’association n’a considéré que le recours aux meilleures techniques connues à ce jour, sans parier sur d’hypothétiques découvertes: à niveau de vie «presque équivalent», il serait possible d’atteindre en France une division par 2 de la consommation des ressources énergétiques, et une division par 4,4 des émissions de CO2.

Des scénarios aux conclusions équivalentes existent dans plusieurs pays voisins (Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne, Pays-Bas notamment), renforçant leur crédibilité réciproque. «Mais tout cela n’est valide qu’à condition d’agir très vite, au cours de la décennie qui vient, prévient l’énergéticien Thierry Salomon, président de négaWatt. L’agenda est un point crucial car les contraintes sont élevées.» L’association a ainsi évalué l’hypothèse d’un prolongement de la tendance actuelle des consommations jusqu’en 2020, pour retarder tous les efforts dans les vingt-cinq années qui suivent. Ses conclusions rejoignent celles de Jim Hansen: «C’est une mission impossible, à moins d’envisager une coercition proche du fascisme…»

Écologie
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