Sursaut d’énergie

Jean-Louis Gueydon de Dives  • 10 avril 2008 abonné·es

«Power to the people !! » : c’est le nom d’une campagne menée par Attac en Allemagne pour lutter contre d’effarants projets de construction de centrales thermiques [^2], au moment même où il est urgent de diminuer les émissions de CO2… L’objectif affiché est d’obtenir un découpage des grandes entreprises électriques en petites unités de production locales, centrées sur les énergies renouvelables et contrôlées démocratiquement ^3. À l’heure où les Allemands en ont plus qu’assez des augmentations du prix de l’électricité et de se voir couper régulièrement le courant parce qu’ils n’ont pu payer leur facture, cette initiative est un bon exemple de la façon dont un but écologique (le climat) rejoint un but politique (la démocratie locale) et social (l’accès de tous aux services de base). Et c’est pourquoi elle est réjouissante de radicalisme et de pertinence.

Comme on est loin de tout cela en France! De la gauche la plus antilibérale à la droite la plus extrême, bien peu remettent en cause le centralisme aberrant de la production d’énergie nationale. Nos esprits sont encore trop obscurcis par des siècles de culture technocratique centralisatrice, relayée par la subtile propagande des opérateurs.

Il faudra pourtant bien y venir, nous aussi… La centralisation de la production d’énergie est une absurdité technique et écologique. Elle conduit à d’énormes pertes sous forme de chaleur intransportable, alors qu’une production décentralisée permettrait sa récupération pour des usages locaux. Et elle nécessite un gigantesque réseau de lignes à très haute tension avec tous les inconvénients que cela entraîne : pertes de courant en ligne, destruction du paysage, sensibilité aux tempêtes, mise en danger de la santé des riverains…

Mais, surtout, elle déresponsabilise les élus locaux, écarte toute participation citoyenne et cantonne les régions à un rôle d’incitation aux économies d’énergie sans réelle maîtrise de la production. Qui sait, par exemple, que 95 % des communes françaises n’ont pas même le droit de gérer leurs propres réseaux de distribution et doivent en confier la gestion à EDF et GDF, dont les objectifs ne sont pas nécessairement en phase avec les leurs ?

Alors oui, il est vraiment temps de redonner aux citoyens et aux collectivités locales un pouvoir de décision dans ce domaine, trop sérieux pour être laissé aux appétits de puissance et de profits des opérateurs historiques. À ce titre, signalons l’heureuse initiative de l’association Virage énergie dans le Nord-Pas-de-Calais ^4, qui a osé établir un plan régional de sortie du nucléaire incluant la fermeture de la centrale de Gravelines ! Ce plan montre d’ailleurs que cette sortie est parfaitement possible, tout en divisant par quatre les émissions de CO2, grâce, notamment, au développement d’une production locale d’énergies renouvelables et à la création de nombreux réseaux de chaleur. CQFD !

[^2]: En anglais «~power~» signifie à la fois «~pouvoir~» et «~puissance~».

Écologie
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