Courrier des lecteurs Politis 1022

Politis  • 16 octobre 2008 abonné·es

Angolagate

De nombreux écueils menacent la bonne marche du procès de l’Angolagate. Souhaitons d’abord que la Justice, contrairement à l’affaire des frégates de Taiwan, ne soit pas arrêtée par la clause du « secret Défense », invoquée cette fois-ci par l’Angola.
Par ailleurs, ce procès sera non seulement celui d’un trafic d’armes présumé, mais aussi et surtout celui des trafics d’influences. Ce serait donc vraiment un comble que la Justice puisse se laisser impressionner ou manipuler par les réseaux d’influence en accusation. Sont en effet mis en cause un certain nombre de personnages médiatisés : de Charles Pasqua à Jacques Attali en passant par Paul-Loup Sulitzer ou encore, dans un autre genre, le nouveau et controversé président de la Miviludes, ex-député invalidé par le Conseil constitutionnel, Georges Fenech.
Pour ce dernier, quelle que soit l’issue de ce procès, je ne pense pas que le fait d’accepter de l’argent d’un marchand d’armes comme Pierre Falcone, à hauteur de la moitié du budget annuel de son association de magistrats, puisse être considéré comme anodin.
Edmond Rosa, Paris

Darcos l’imposteur
La rentrée à peine passée, le ministre de l’Éducation a pris des décisions à l’image de son patron, donc à l’emporte-pièce et dans l’urgence, sans se demander si ça pouvait fonctionner, ni comment (stages de « rattrapage » pendant les vacances, nouveaux programmes, etc.). Il annonce maintenant une mesure qui risque de faire très mal aux élèves en difficulté. Il décide tout bêtement (et je suis poli !) la suppression de 3 000 postes d’enseignants spécialisés dans le traitement de la difficulté scolaire. Ce sont des enseignants qui, travaillant par petits groupes et parfois même individuellement, prennent en charge les élèves les plus en souffrance à l’école. Ce faisant, le battu de Périgueux retourne trente ans en arrière, à une époque où l’on parquait les élèves en difficulté dans les classes dites de « perfectionnement ». L’histoire a montré que ça ne marchait pas. L’histoire a aussi montré que les enseignants spécialisés avaient des résultats. Mais, dans une logique de budget à court terme et de destruction des services publics avant tout, il détruit, saccage, anéantit le travail effectué. C’est une chose. Le pire est qu’il ose, en plus, tenir un discours de pédagogue et qu’il tente de mystifier tous ceux qui ne s’y connaissent pas vraiment. C’est à la mode en ce moment de proclamer haut et fort le contraire de ce que l’on fait réellement. Cela s’appelle une imposture. Monsieur le ministre ne se trompe pas lorsqu’il appelle les Rased (appellation regroupant les enseignants spécialisés) des « Réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté » , alors qu’il sait très bien qu’il s’agit des « Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ». Oh non, Môssieur ne se trompe pas ! Il entretient sciemment la confusion (sinon, il est totalement incompétent à ce poste !) et fait ainsi passer l’idée que les nouvelles heures de soutien prodiguées par les enseignants non spécialisés remplacent les aides spécialisées. C’est donc ensuite un jeu d’enfant que de tailler dans le vif et de faire croire que l’échec scolaire va être enrayé grâce à lui (et si ça ne marche pas, ce sera encore la faute des enseignants !). C’est une imposture grave. Tous les chercheurs en sciences de l’éducation, en psychologie, etc. sont abasourdis devant tant de gâchis, mais le Darcos continue son invasion barbare en terre d’éducation et poursuit sa politique de la « tête brûlée » !
Vincent M.

Décroissance

La notion de décroissance est indissociable de la notion d’empreinte écologique. L’empreinte écologique est la part d’écosystème nécessaire au mode de vie d’un être humain. Ainsi, selon Serge Latouche, il faudrait l’équivalent de 8 écosystèmes planétaires si tous les êtres humains vivaient comme des Américains. Toujours selon Latouche, la Terre peut supporter ses hôtes à condition qu’ils vivent comme des Français dans les années 1960. C’est un indicateur intéressant.

En tant que décroissantiste, je suis pour la croissance des économies du Burkina, du Vietnam, de la Corée du Nord, car ces pays ont une empreinte écologique inférieure à la moyenne admissible par la Terre. Je suis pour la décroissance des économies américaine, française, allemande, car ces pays ont une empreinte écologique supérieure à la même moyenne. Ces affirmations font partie de la philosophie décroissantiste. Le problème de l’éco-croissance est qu’elle ne remet pas en cause la société de consommation en mettant en exergue le développement durable (par exemple, les 4X4 avec moteur peu émetteur de CO2, autoroute avec crapauducs, etc.).
La décroissance, elle, remet en cause le toujours plus vite, le toujours plus. Les êtres humains font ce qu’on leur a inculqué dans leur imaginaire : consommer plus, c’est « bon pour l’emploi ». […]
Si, demain, les êtres humains des sociétés de consommation comprennent que la décroissance est nécessaire pour la sauvegarde de l’environnement et donc pour le monde de leurs enfants, ils feront des efforts. Serge Latouche parle de « décolonisation de l’imaginaire ».
De toute façon, avec la pénurie de pétrole (80 % de l’énergie utilisée mondialement est fossile), les économies occidentales entreront en décroissance. Si les habitants en prennent conscience, le choc sera moins rude. Si nombre de pays ne « décollent » pas économiquement, l’aspect culturel est très important. La notion de croissance des économies est très nouvelle (apparue au XIXe siecle). Durant des milliers d’années, les pays ont vécu sans croissance.

Jean-François Jaudon

Le loup (suite)

Enfin un bon courrier des lecteurs sur le loup, écrit par des éleveurs (Fanny Metrat et Manu Fayard, du Queyras) ! J’étais désolé que Politis n’ait donné la parole sur ce sujet, pour l’essentiel, qu’à des défenseurs du loup, qui ne doivent pas souvent vivre à la campagne et élever des animaux. En Cévennes, où je suis installé, l’arrivée probable du loup va beaucoup perturber les petits élevages extensifs de chèvres et de brebis, alors que les cervidés protégés par le parc des Cévennes et les sangliers entretenus par les chasseurs compliquent déjà beaucoup la vie paysanne.
La défense, même illégale, paraîtra alors légitime.

Pierre Péguin, Cevennes

Miremont et le NPA

Dans une tribune récente ( Politis du 25 septembre 2008), mes compagnons de route des campagnes altermondialistes et du rejet de l’Union européenne du TCE et du traité de Lisbonne, Francine Bavay et François Simon, qui se réclament très légitimement des conclusions de la réunion de Miremont (où je me serais rendu si j’en avais eu la possibilité, et où j’avais demandé qu’on excuse mon absence), dont je partage l’essentiel, éprouvent le besoin – très politicien, selon moi – de différencier la démarche initiée à Miremont de la démarche du NPA, qui ne serait, selon eux, que « protestation qui dénonce sans proposer ».
Quand je compare cette « Déclaration commune » et l’appel « Un nouveau parti pour une écologie anticapitaliste » lancé par le NPA, je ne vois aucune différence de fond. Bien plus, contrairement à ce qu’affirment mes deux amis, sur les alternatives, c’est-à-dire sur les propositions, le texte du NPA va plus loin et est plus précis que le premier.
En toute amitié, je voudrais dire à Francine et à François que se déclarer unitaires et s’empresser de stigmatiser d’autres qui poursuivent pourtant les mêmes objectifs avec la même radicalité ne me paraît pas le meilleur chemin vers l’unité. L’unité, c’est d’abord sur les contenus qu’elle doit se faire. Pour rester cohérents et crédibles. Et, honnêtement, textes en main, entre les objectifs formulés à l’issue des rencontres de Miremont et ceux avancés par le NPA, je ne vois pas ce qui sépare. J’observe par contre tout ce qui devrait rapprocher.
Est-ce donc si difficile de reconnaître qu’avec le processus éco-socialiste du NPA, il se passe vraiment quelque chose à la gauche de la gauche institutionnelle ?
Qui mérite beaucoup mieux que le mépris et le dénigrement.

Raoul Marc Jennar

La casse de l’école

Je ressens une immense colère devant les dégradations extrêmement graves que ce gouvernement est en train de faire subir à l’école, comme au service public en général. On parle peu de ces sujets au regard de leur implication dans la société, et, surtout, personne ne les met en lien. On les voit souvent traités indépendamment les uns des autres dans les journaux télévisés, comme s’il n’y avait pas d’implications entre eux. Or, en ce qui concerne les mesures évoquées
ci-dessous, elles ne seront pas sans contribuer à fragiliser les plus faibles et à pérenniser les statuts sociaux, à renforcer la sélection sociale. Par exemple, le recrutement des professeurs des écoles à bac + 5 et la suppression de l’année de formation rémunérée rendront l’accès à cette profession encore plus difficile pour les classes défavorisées. Presque tous les enseignants seront donc issus des classes moyennes ou supérieures. Les classes plus chargées en raison des suppressions de postes, la disparition des classes maternelles et de leur mission d’éveil, d’entrée dans la culture orale et écrite, la disparition des Rased [Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté], chargés des missions de prévention et de remédiation de la difficulté scolaire (et l’on sait que plus celle-ci est prise en charge de bonne heure dans le développement de l’enfant, plus il est facile d’y remédier) : toutes ces mesures vont à l’encontre de la réduction des inégalités entre élèves, criantes dès la première année de maternelle. Plus ils seront accueillis tard à l’école et plus les enfants les plus fragiles, ceux dont la famille n’est pas en mesure de leur assurer un éveil adapté, auront des risques de rester en échec par la suite.

Malgré la communication très efficace mise en œuvre par le gouvernement pour nous convaincre que la priorité est mise sur l’aide aux enfants en difficulté, avec le leurre des heures de soutien, tous les moyens véritablement efficaces dans ce domaine sont en train d’être détruits, les uns après les autres, dans une logique purement comptable. Quelle société voulons-nous vraiment ? Seule la participation des médias soucieux du rôle de l’école dans la société peut aider à informer véritablement les citoyens sur ces enjeux extrêmement importants pour notre avenir, à leur apporter les informations qui leur permettront de prendre position en connaissance de cause et de participer au débat public. Ces questions nous concernent tous, mais, pour s’en emparer personnellement, encore faut-il avoir accès à une information véritable. Lorsque toutes les mesures citées plus haut auront été appliquées, il sera trop tard pour revenir en arrière. […]
Deux mesures sont déjà en cours : la disparition des IUFM, entérinée lors du Conseil des ministres du 2 juillet 2008, et la disparition des Rased dans tous les textes officiels, dont le Guide des parents accompagnant cette rentrée 2008. La suppression de la petite section de maternelle suivra certainement. Lors d’une audition devant la commission des finances du Sénat, le 3 juillet 2008, Xavier Darcos a déclaré : « On ne va pas payer des enseignants à bac + 5 pour changer des couches et surveiller la sieste ! »

Et cela est à mettre en lien avec le rapport Tabarot sur l’accueil de la petite enfance, qui envisage l’école maternelle comme un mode de garde peu pratique pour les parents ( !) et propose la mise en place de jardins d’éveil pour les 2 à 3 ans (dans un premier temps), telle une machine broyeuse et destructrice inexorablement en marche. En abaissant dès maintenant le niveau intellectuel de nos enfants, futurs électeurs et téléspectateurs, les gouvernements qui se succéderont auront des citoyens qui ne s’apercevront même plus que leurs dirigeants les prennent pour des imbéciles. Merci notre bon maître !
Allons-nous laisser la boucle se boucler ainsi ?

Sophie Durand, Saint-Aubin-de-Branne (Gironde)

Courrier des lecteurs
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