Omar Slaouti (NPA) : « Interdire tous les licenciements »

Michel Soudais  • 28 mai 2009 abonné·es
Omar Slaouti (NPA) : « Interdire tous les licenciements »

Politis / Êtes-vous préoccupé par l’abstention ?

Omar Slaouti / Évidemment. D’abord
parce qu’elle reflète en partie un mécontentement social qui n’a pas pu se traduire dans le cadre de convergences durables. Ensuite parce qu’il se trouve que ceux qui sont relativement sensibles à ce que le NPA peut porter, un électorat plutôt jeune et issu des quartiers populaires, les premiers concernés par la crise (intérimaires, CDD), sont aussi ceux qui plus que les autres ont tendance à s’abstenir.

Qu’avez-vous envie de dire
à ceux qui seraient tentés par l’abstention ?

D’abord pousser les mobilisations dans tous les secteurs d’EDF, GDF aux hôpitaux en passant par les facs et le secteur privé vers la convergence des luttes, malgré les attaques répétées du gouvernement. Et aussi d’aller porter une voix anticapitaliste dans le cadre de ces élections, mais une voix qui a l’ambition à terme de recomposer à la gauche du PS, donc une gauche indépendante du PS, c’est l’orientation du NPA. Quand on entend, y compris de la part du Front de gauche, une dénonciation justifiée des traités, qui est aussi une dénonciation du PS qui les a portés, alors qu’aux régionales certaines forces qui composent le Front de gauche se retrouveraient bien avec le PS, on comprend que ça puisse casser les boussoles politiques.

Quelles sont les trois propositions phares de votre campagne ?

La première, c’est évidemment l’interdiction des licenciements. Dans les entreprises qui font des profits mais aussi dans celles qui n’en font pas. Car il faut que les donneurs d’ordres, qui ont stratégiquement fait appel à la sous-traitance, prennent leurs responsabilités. Ce doit être le cas de PSA pour les salariés de Mollex, par exemple. Cet axe de revendication comprend aussi une hausse des salaires, leur harmonisation par le haut, rapportée au pouvoir d’achat de chacun des pays de l’UE, équivalant à 1 500 euros net par mois pour la France. Cette double approche­ s’oppose à cette Union européenne qui nivelle par le bas l’ensemble de nos acquis et met en concurrence les travailleurs, leurs droits et leurs salaires.
Le deuxième axe fondamental concerne la défense des services publics. Nous réclamons le retour sous un contrôle démocratique des services publics que sont les transports, l’énergie, la poste ; on voit d’ailleurs les dégâts des privatisations rampantes tant du point de vue de la hausse des prix et de la baisse des services, que de l’augmentation des risques.
Et puis il y a les services publics qui vivent une libéralisation effective : c’est le cas de la santé avec la loi Bachelot ou le plan hôpital 2007, avec la tarification à l’acte, où l’on fait du commerce sur la santé ; et de l’éducation, dont la privatisation est incarnée par la loi LRU, qui nous vient du processus de Bologne, une époque où Claude Allègre était aux commandes.
Le troisième axe est la réduction drastique des gaz à effet de serre, qui détruisent la planète à petit feu avec tous les dégâts que l’on sait, d’abord dans les pays du Sud. Concrètement, il faudrait que cette réduction réponde à la fourchette la plus haute du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Mais aussi sortir du nucléaire et avoir une politique effective pour de nouvelles énergies renouvelables.
Il m’est difficile de ne pas évoquer également les dégâts liés aux accords de libre-échange entre l’UE et les pays du Sud, auxquels il faudrait mettre un terme.

Si vous êtes élu, comment concevez-vous votre rôle ?

Ce que l’on met en avant dans cette campagne ne pourrait être acté que par des mobilisations en dehors du Parlement européen. L’objectif des parlementaires anticapitalistes du NPA, c’est justement de relayer ces mobilisations dans un cadre unitaire le plus large possible et mettre un peu plus de transparence dans ces institutions antidémocratiques et opaques. Concrètement, nous voulons prévenir tous les plans de privatisation de n’importe quel secteur pour pouvoir envisager des ripostes plus rapides et à l’échelle européenne. C’est aussi peser de tout son poids sur un ensemble de questions internationales, notamment la suspension des accords entre l’UE et l’État d’Israël, ou relayer à l’échelle européenne le boycott qui s’impose à l’égard de l’État d’Israël tant que les droits de l’homme ne seront pas respectés.

Le NPA fait campagne seul. Est-ce un handicap ou un avantage ?

Nous refusons cette vision binaire des choses. La réalité est que le NPA a demandé à d’autres forces de la gauche de constituer un front unitaire sur une base anticapitaliste et dans un cadre durable, au-delà des européennes jusqu’aux régionales, voire plus si affinités. Le fait que ce front unitaire très large, qui aurait pu regrouper le NPA, le PCF et le PG, n’ait pu se mettre en place est évidemment un échec, mais nous n’en portons pas la responsabilité. Elle incombe au Parti communiste et au Parti de gauche, qui au lendemain des européennes vont entrer dans des tractations avec le PS pour les régionales.

Un mauvais score remettrait-il en cause votre stratégie d’indépendance totale vis-à-vis du PS ?

La réponse est non. C’est une vision un peu facile que de faire croire que les résultats sanctionnent obligatoirement une stratégie. L’indépendance par rapport au PS ne va pas se juger au score du 7 juin. Le PS assume l’économie de marché, aux autres forces politiques à sa gauche d’assumer leur non-participation aux exécutifs avec lui. Aujourd’hui, ce qui s’impose, c’est de recomposer à la gauche du PS sans le PS, de fait. Nous sommes prêts à rencontrer toutes les forces politiques qui sont disponibles, maintenant et après les européennes. De même, si le NPA faisait un bon score, cela ne signifierait pas que le NPA à lui seul pourrait incarner cette recomposition. Il retournera de la même manière vers l’ensemble des forces politiques qui veulent recomposer à la gauche du PS sur une base anticapitaliste.

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