Patrick Le Hyaric (Front de gauche) : « Augmenter tous les salaires »

À dix jours du scrutin, le Front de gauche et le NPA sont au coude à coude sur des positions souvent très proches, avec toutefois quelques divergences. Comme le montrent les entretiens parallèles que nous avons menés avec leurs têtes de liste respectives en Île-de-France, Patrick Le Hyaric et Omar Slaouti.

Michel Soudais  • 28 mai 2009 abonné·es
Patrick Le Hyaric (Front de gauche) : « Augmenter tous les salaires »

Politis / Êtes-vous préoccupé par l’abstention ?

Patrick Le Hyaric / Elle serait surtout préoccupante pour les gens eux-mêmes car cela reviendrait à soutenir par le silence les politiques ultralibérales européennes et celles du gouvernement de droite en France.

Qu’avez-vous envie de dire
à ceux qui seraient tentés par l’abstention ?

Ceux qui habitent Neuilly, ceux qui siègent dans les conseils d’administration des grandes entreprises, ou au Medef, la droite et ceux qui chaque jour mettent en œuvre des politiques contre les salariés et les habitants des quartiers populaires ne vont pas s’abstenir. Par conséquent, il faut se mobiliser pour dire son mot le 7 juin et voter pour changer les politiques européenne et nationale.
Le Parlement européen a déjà des pouvoirs. Quand Francis Wurtz et la Gauche unie européenne font reculer le projet d’augmenter le temps de travail à plus de 65 heures, quand ils repoussent la directive portuaire, ils démontrent que le Parlement peut se mettre au service des salariés. Quand ils font voter une orientation contre le rehaussement des accords entre l’Europe et Israël, aussi. Et le Conseil européen a dû en tenir compte. Nous avons besoin d’une majorité de gauche avec un flanc gauche fort, grâce au Front progressiste européen et au Front de gauche français, pour fortifier ces possibilités d’obtenir des orientations positives pour les gens.

Quelles sont les trois propositions phares de votre campagne ?

Répondre à l’urgence sociale en utilisant une partie des 2 400 milliards de profits réalisés dans l’UE par les grandes entreprises pour les réorienter vers les salaires. Cela permettrait d’augmenter rapidement de 250 à 300 euros tous les salaires et les minima sociaux dans l’UE et de porter ainsi le Smic en France à 1 600 euros.
Deuxièmement, il faut un service public européen lié à des services publics nationaux qui impulsent un projet de sécurité professionnelle du travail, de l’emploi combiné aux formations et aux recherches nécessaires pour les industries, l’agriculture et les services de demain, dans le cadre d’un nouveau type de développement écologique.
Troisièmement, une Europe solidaire à la place de la concurrence des uns contre les autres. Cela passe par des services publics rénovés mais surtout par un élargissement des services publics nationaux et européens, de nouvelles appropriations sociales. En même temps il faut absolument pousser un nouveau mode de développement économique durable et solidaire qui apporte des réponses solides à l’urgence écologique. Une alliance privilégiée avec les pays que l’on dit émergents passe par la taxation des mouvements de capitaux, l’annulation de la dette des pays en voie de développement et l’augmentation importante de l’aide publique à ces pays, un grand plan d’éradication de la famine, d’accès aux soins et à l’éducation dans les pays du Sud. Une Europe féministe, avec la mise en œuvre de la clause de la femme la plus favorisée en Europe.

Si vous êtes élu, comment concevez-vous votre rôle ?

Dès la première session, je porterai dans le Parlement européen l’initiative des parlementaires communistes et du Parti de gauche, qui sera débattue le 28 mai à l’Assemblée nationale. Elle vise à interdire les licenciements boursiers, instaurer des systèmes de sécurisation de l’emploi et augmenter le pouvoir d’achat, de faire cesser les privatisations et de protéger tous les services publics.
Au Parlement européen, notre travail s’appuiera sur les mouvements sociaux et citoyens, l’ensemble des mouvements syndicaux et associatifs, dans un va-et-vient de telle sorte que la parole des populations, des familles populaires, des salariés et des chômeurs soit portée dans l’enceinte de ce parlement, y compris avec des projets de directive qui permettent de leur apporter des réponses. Pour cela, nous souhaitons qu’il y ait des majorités capables de se prononcer en faveur de tels textes de progrès social, économique et écologique.

Pour cette campagne, le PCF s’est engagé dans un Front
de gauche avec d’autres formations. Le premier bilan est-il prometteur ?

Oui. C’est une initiative de grande ampleur, tout à fait nouvelle, telle que notre pays n’en avait pas connue depuis longtemps. Elle est destinée à s’approfondir, à être durable, à s’élargir à d’autres forces politiques, à des militantes de toute la gauche, à des associations et des mouvements divers, à des créateurs et des syndicalistes, et à être durable dans le champ politique. Car il est indispensable d’offrir à ceux qui souffrent et aspirent à autre chose la possibilité d’utiliser un tel front unitaire de la gauche pour que s’ouvre une alternative politique dans notre pays. Sinon, nous irons vers une bipolarisation meurtrière pour l’avenir de la gauche dans son ensemble, mais aussi pour le peuple.

Est-ce à dire qu’un mauvais score ne remettrait pas
en cause cette stratégie du Front de gauche ?

Il faudra tenir compte de la première expérience que nous aurons eue, mais je crois que ce Front unitaire permet de lancer une dynamique et de se mettre vraiment au service d’un nouveau projet de transformation sociale. Il faut donc créer les conditions pour l’élargir encore comme ont su le faire nos anciens quand ils ont bâti le Front populaire ou le programme du Conseil national de la Résistance. Nous devons le faire dans les conditions d’aujourd’hui, à l’image de ce qui se fait dans plusieurs pays, particulièrement en Amérique latine. Nos différents parcours, cultures et histoires peuvent converger en un mouvement puissant, unitaire, progressiste, créateur de neuf, porteur de grandes transformations économiques et sociales.
Ce Front unitaire est à la disposition de toutes celles et ceux qui veulent une gauche bien à gauche pour changer de pouvoir et de société. Il peut être le moteur au service d’un rassemblement majoritaire de notre peuple pour des solutions post-capitalistes et anticrises.
Notre pays, l’Europe et le monde en ont bien besoin.

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