Désarmés face à la loi

Beaucoup de policiers sont en désaccord avec ce qu’on leur demande de faire, mais l’arsenal législatif leur laisse très peu de marges de manœuvre pour s’opposer réellement.

Ingrid Merckx  • 21 janvier 2010 abonné·es

aux ordres les forces de l’ordre ? En interne, il se dit que beaucoup ne sont pas d’accord avec ce qu’on leur demande. Mais de manière confidentielle : difficile de porter un « non » collectif ou d’assumer un refus face au groupe, sous peine de représailles. « Les policiers réfractaires aux verbalisations systématiques sont mal notés et rencontrent des problèmes pour leur déroulement de carrière » , précise Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa Police ( Siné Hebdo , 13 janvier). Roland Gatti, ancien sous-brigadier à la police aux frontières, n’avait-il pas été sanctionné par sa hiérarchie en 2005 pour avoir dénoncé « le travail inhumain » qu’on l’obligeait à effectuer ? ­D’autre part, il serait quasiment impossible à un gardien de la paix de désobéir : pour refuser un ordre, il faut qu’il soit « manifestement illégal ou de nature à compromettre gravement un intérêt public ». L’article 17 du code de déontologie le permet en théorie. Mais, en pratique, « les législateurs ont verrouillé les textes » , regrette un gardien de la paix.

Résultat, il devient de plus en plus dur de démontrer l’illégalité d’un acte ou d’un comportement lors d’une interpellation ou d’une garde à vue. Le règlement permet, par ­exemple, de retirer lunettes et soutien-gorge en garde à vue. De même, l’étranglement figure sur la liste des techniques que l’on peut utiliser au cours d’une arrestation. Il faudrait qu’une réelle volonté d’asphyxier soit démontrée pour qu’un fait comme le drame survenu à Grasse le 9 mai 2008 soit considéré comme illégal : un jeune de 22 ans, Abdelhakim Ajimi, est mort après avoir subi une clé d’étranglement lors de son interpellation.

Entre le code de déontologie et la loi, il existe une zone grise dans laquelle s’engouffrent un grand nombre de violences. L’arsenal juridique récent y aide : la Loi de sécurité intérieure de 2003 précise, par exemple, que tout rassemblement de plus de trois personnes en bas d’un immeuble est un délit. « Heureusement qu’on n’interpelle pas tous ceux qui se trouvent réellement dans cette situation, souffle un gardien de la paix, s inon, on n’atteindrait pas 600 000 gardes à vue par an mais le double ! »

Publié dans le dossier
Quelle police voulons-nous ?
Temps de lecture : 2 minutes