U Rodomontu

Sébastien Fontenelle  • 4 février 2010 abonné·es

Pour ce qui serait du terrorisme, et dès lors qu’on l’évalue à l’aune de sa fréquence (plutôt qu’à celle de sa dangerosité), force est de constater qu’un des endroits les plus exposés du monde est l’île dont Jean-Marie Colombani (tchi, tchi) et Tino Rossi (tchi, tchi aussi) ont naguère chanté la beauté (quand de polyphoniques mélopées montent, au soir tombant, des bergeries de pierre sèche où cuisent les figatelli (tchi, tchi)) : la Corse, of course. (Contrepèterie.)

Neffet : le 31 janvier, le Front national de libération de ladite, also known as l’FLNC, a revendiqué, lis-je [^2], « vingt-quatre attentats perpétrés depuis un an dans l’île contre des gendarmeries et biens de l’État et contre des maisons particulières ».

Genre, les mecs ont tiré « une roquette contre la gendarmerie de Corte (Haute-Corse), et des coups de feu contre celles de Bonifacio et Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) ».

(Est-ce que t’en as beaucoup entendu parler ? Pas vraiment : moins, en tout cas, que si des gens se mettaient à tirer des roquettes sur les commissariats de l’Essonne.)

Et, bon, c’est pas non plus Kaboul, hein – mais tu me concéderas que, vingt-quatre attentats où les types balancent de la roquette avec la même aisance que met Georges Frêche à se vautrer dans une fosse verbale du même nom, ça fait quand même un peu désordre, quand t’es le gars qui du haut de ses talonnettes lance régulièrement de couillues wars on terror , et sachez bien, mâme Ferrari, que nous serons aussi fermes avec le taliban de la rébellion afghane que nous fûmes avec celui de la ruralité corrézienne, passsssqu’enfin, que dirait-on, Lolo, si que j’assurais pas votre sécurité ?

Pour ce qui serait de planifier du raid à l’aube sur la France profonde, pardon : le gars se pose un peu là. Steven Searkal saute sur Tarnac, faut voir comme – et vazi que je te sors long comme le bras de l’épicier insurrectionnel (qui vient), et vazi que je t’agite frénétiquement l’épouvantail de l’ultra-gauche, la France a peur, mâme Ferrari, et comme elle a raison, la France, d’avoir les foies, et comme elle a de la chance de m’avoir, et voulez-vous que je vous parle aussi des armes de guerre qui circulent dans les racailleux entresols de la Seine-Saint-Denis, ou si, ayé, vous êtes suffisamment flippée ?

Pendant ce temps-là, peinard : l’FLNC rafale des gendarmeries, et tiens, pourquoi pas une petite roquette dans ta gueule de temps en temps – et que dit le chef de l’État français ?

Il ne dit rien : autant il ne céderait sa place pour rien au monde quand il s’agit de fustiger la criminalité du banlieusard de 13 ans, autant le tir sur casernes insulaires l’indiffère – et ne donne d’ailleurs jamais lieu à la moindre des hideuses hâbleries sécuritaires dont la droite régimaire ultra a pourtant le secret.

J’en tire pas plus de conclusions que ça – mais je pressens tout de même qu’au grand bal des rodomonts, y aura de la talonnette in the middle of the dance floor.

[^2]: Sur le site du Nouvel Obs.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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