Claire Brisset, au nom des enfants

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, nous avons choisi de mettre
en avant trois personnalités combatives et opiniâtres, engagées pour un monde plus juste.

Manon Loubet  • 4 mars 2010 abonné·es

Déterminée. Confiante. Optimiste. Surtout pas résignée. Claire Brisset, ancienne journaliste au Figaro et au Monde, devenue directrice de l’information à l’Unicef, nommée en 2000 Défenseure des enfants, accueille aujourd’hui dans son bureau de médiatrice de la Ville de Paris. Dans cette grande pièce, elle peint en paroles et avec une multiplicité de couleurs ses nombreux voyages dans les pays du tiers monde. D’abord comme journaliste reporter, puis en tant que fonctionnaire de l’Unicef, « pour passer du côté de l’action » . Du côté de l’Éthiopie, du Rwanda, du Congo, de l’Inde, du Pakistan, du Cambodge. Ailleurs encore. Elle évoque successivement des femmes pliées en deux sous la charge de leurs provisions, « traitées comme des ânes » , des enfants de 6 ans travaillant dans les mines de diamants, des famines, des génocides…
Des souvenirs douloureux, Claire Brisset en possède un plein fagot. « L’homme est capable de faire des choses terribles » , soupire-t-elle en secouant légèrement la tête, comme s’il fallait chasser certaines images de son esprit. Pour autant, ce n’est pas ce qu’elle retient de ses missions : «  Il se dégage une telle joie de vivre chez ces peuples qui n’ont pourtant pas grand-chose, c’est phénoménal ! » Même après avoir vu les pires perversités de la mécanique géopolitique et financière mondiale, Claire Brisset ne désespère pas. « Le monde va tellement mal. Ça ne peut que s’améliorer. » Une évidence : la résignation n’a pas de prise sur elle, « et j’espère que cela ne m’arrivera jamais ».

À décrypter son curriculum vitae, la lutte pour les droits des enfants constitue un fil conducteur. C’est elle qui a impulsé, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le statut de Défenseur des enfants. Durant six ans, elle a dirigé cette instance indépendante au service des tout jeunes Français. Entre les violences infligées aux enfants et les séparations difficiles des parents, Claire Brisset et son équipe ont traité près de 12 000 cas en six ans. Aujourd’hui, le poste est menacé de disparition. L’ancienne Défenseure s’y oppose : « Les droits des enfants ne sont pas encore pleinement respectés, et le gouvernement voudrait supprimer cette institution ! J’espère que le Parlement ne le permettra pas… » La récente garde à vue de neuf heures subie par Anne, une collégienne de 14 ans, est l’une de ses dernières indignations.

En politique, Claire Brisset est un « esprit libre », même si elle se dit proche de certaines personnalités du Parti socialiste, comme Laurent Fabius. Pas peu fière de son parcours professionnel, elle se livre aisément sur le sujet mais rechigne à parler de sa vie privée. « Je suis mère d’une fille adoptée au Cambodge », confie-t-elle cependant, désignant du doigt une photographie encadrée et posée sur un meuble. Une jolie fillette jouant dans les vagues comme avec des rameaux allègres.
Claire Brisset est la troisième d’une famille parisienne de cinq enfants. Une enfant d’après-guerre, entre un père psychiatre et une mère chargée de la progéniture. Sa joie de vivre quotidienne, observe-t-elle, est née de l’atmosphère familiale, véritablement « festive ». Du parti de la vie. Pas de hasard, alors, si elle prend à cœur son actuel travail de médiatrice de la Ville de Paris. Au programme : régler les litiges qui peuvent survenir entre l’administration parisienne et ses résidents. Être proche des citoyens parisiens, rester disponible pour les écouter, se vit comme un sacerdoce chez une femme qui apprécie beaucoup de donner et de se donner. Sans compter.

Si elle a entamé la soixantaine, elle se refuse à l’idée de retraite. De nombreux projets fourmillent encore dans son esprit : enseigner le droit au Canada, écrire, poursuivre le travail humanitaire dans les pays du tiers monde… Incorrigible optimiste, elle soutient inlassablement qu’ « il y a de réelles réponses politiques à apporter pour changer la situation des pays pauvres ». La lutte est loin d’être terminée pour cette femme aux yeux bleus pétillants.

Société
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