Alchimie verte

Comment structurer la nébuleuse Europe Écologie sans saborder les Verts ? Les écologistes se donnent jusqu’à fin 2010 pour trouver la bonne formule.

Patrick Piro  • 1 avril 2010 abonné·es

Ce qui attend les Verts n’est « ni un repli ni une dissolution, mais une construction commune » , affirme Cécile Duflot, samedi dernier, devant un Conseil national des Verts (Cnir, à Paris) qui retient son souffle, puis applaudit sans retenue. Un message attendu d’ouverture et de fermeté, validé par un vote unanime du Cnir appelant à poursuivre le rassemblement des écologistes, et à gauche.

L’irritation de la semaine semble momentanément apaisée. La secrétaire nationale des Verts et son entourage ont eu le sentiment de se faire chaparder les fruits du succès écologiste aux régionales [^2] : dès lundi 22 mars, Dany Cohn-Bendit appelait à fonder une « coopérative politique » diluant le parti ; et, mardi, une quarantaine de personnalités des Verts et d’Europe Écologie [^3] en demandaient une « métamorphose ». Trop tôt ? « Attendre signifierait laisser à l’appareil le soin de régler les problèmes », lance avec un sourire entendu le député Noël Mamère.
Deux questions brûlantes se posent aux écologistes, déjà absorbés par la présidentielle et les législatives de 2012 : comment organiser la nébuleuse Europe Écologie, et pour quel projet ?

Cécile Duflot, qui s’est présentée comme « garante de l’avenir commun des Verts et d’Europe Écologie » , convient qu’il faut «  métamorphoser » Europe Écologie et « transmuter » les Verts. Si nul ne sait encore par quelle alchimie, tous s’accordent sur l’ineptie d’un statu quo qui consisterait à reproduire d’élection en élection l’attelage « parti-mouvement ».
Deux options s’affrontent : la constitution d’un mouvement unique où les Verts se fondraient – la coopérative de Cohn-Bendit –, ou bien une « fédération » d’organisations et de groupes partenaires – Verts, RPS (régionalistes), amis d’Éric Loiselet (ex-PS), de Jacques Perreux (ex-PCF), de José Bové, etc. L’option favorite d’un Jean-Vincent Placé, où les Verts auraient une place naturellement prédominante. Elle est rejetée à l’extérieur du parti, mais aussi par le député Yves Cochet, entre autres : « Un cartel d’organisations, c’est la mainmise assurée par les militants professionnels rompus aux jeux d’appareils. Il faut aller vers une structure unique. » Un premier petit pas a été accompli dans ce sens : pour les candidatures aux cantonales de mars 2011, ça sera « ni quota, ni cooptation » entre Verts et non-Verts, les désignations seront désormais soumises à tous les militants.

Le bouclage du « projet » pourrait ne pas être simple non plus, malgré les propos rassurants relatant le travail accompli lors des élections. Autonomie et ancrage à gauche, clament une majorité de Verts, mais en restant « toujours ouverts, pour associer à égalité tous ceux qui se reconnaissent dans l’écologie » , dit Cécile Duflot. De grands écarts se pré­parent donc, avec pour nouveaux symboles Corinne Lepage et Patrick Braouezec, qui viennent respectivement de quitter le MoDem et le PCF en signalant leur intérêt pour Europe Écologie.

La stratégie pour 2012, enfin. Cohn-Bendit prône une alliance dès le premier tour avec le PS, en échange d’une cinquantaine de circonscriptions législatives gagnables. Une majorité d’écologistes tiennent cependant à des candidatures autonomes au premier tour, arguant qu’elles ont renforcé la victoire de la gauche aux régionales.
Un calendrier a été adopté pour ces chantiers : des conventions régionales le 8 mai, une rencontre nationale début juin, les Journées d’été en août, pour déboucher sur des assises de l’écologie politique à l’automne – un « big-bang » dans l’air depuis plus de deux ans, dont l’idée arrive enfin à maturité.

[^2]: 265 élus, 2,7 millions de voix au premier tour.

[^3]: Dont Jean-Paul Besset, Yves Cochet, Dany Cohn-Bendit, Yves Contassot, Eva Joly, Alain Lipietz, Noël Mamère, Jean-Louis Roumégas, Dominique Voynet.

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