De quoi se faire du blé

La société Limagrain développe son blé transgénique en Argentine, espérant l’imposer ensuite au reste du monde.

Claude-Marie Vadrot  • 29 avril 2010 abonné·es
De quoi se faire du blé
© PHOTO : C.-M. VADROT

En janvier, la multinationale française Limagrain a signé un accord de coopération avec un grand producteur de céréales argentin pour développer la culture du blé dans un pays qui est déjà le plus gros producteur des nations sud-américaines. À l’occasion de la signature de cet accord, le représentant de la société, Alain Perrin, a déclaré : « Les responsables de notre entreprise croient à la génétique et particulièrement aux cultures transgéniques, même si nous savons que la route est longue, cinq ans dans le meilleur des cas, car il faut vaincre la réticence des marchés et la résistance des importateurs. […] Nous ne visons pas le court terme, mais le monde aura de plus en plus besoin de blé et il s’agit d’une culture qui se développera au fur et à mesure que nous disposerons des technologies adéquates. Quand nous les aurons, elles seront plus attractives pour les agriculteurs. À un moment ou à un autre, la technologie l’emportera, et cela grâce aux modifications génétiques. »

Dans une Argentine qui étend sans cesse ses surfaces consacrées au maïs et surtout au soja transgéniques, cet accord réjouit évidemment le lobby agro-industriel. Malgré les protestations des éleveurs, qui voient diminuer les espaces disponibles pour l’élevage extensif, ce qui entraîne une augmentation (près de 50 % par rapport à 2009) du prix de la viande, aliment « sacré » pour les Argentins. Malgré les protestations, aussi, des ouvriers agricoles, des habitants des villages et des petits agriculteurs qui se ­plaignent de maladies provoquées par la dispersion des pesticides et des herbicides (Round­up). Des scientifiques argentins remarquent également que, dans certains champs, surgissent des plantes résistantes à tous les herbicides, ce qui conduit les responsables des exploitations à augmenter chaque année les doses épandues.

Mais les contestations ont du mal à atteindre l’opinion publique parce que les milieux agro-industriels contrôlent une grande partie de la presse écrite et des chaînes de télévision. Ne serait-ce que par le poids de la publicité. Limagrain, qui opère déjà dans une trentaine de pays, n’a donc pas choisi l’Argentine au hasard. Elle entend faire de ce pays sa tête de pont pour développer le blé transgénique. Celui-ci n’est pour l’instant autorisé nulle part dans le monde, les demandes de Monsanto ayant été partout rejetées. Limagrain, avec l’appui du gouvernement libéral-conservateur de l’Argentine, qui lui ­semble acquis, compte donc développer ses blés OGM dans le pays et mettre ainsi le reste du monde devant le fait accompli au cours des cinq prochaines années, après les premières moissons, dont le représentant de la firme a expliqué qu’elles feraient la preuve que ce « blé sera efficace pour faire face à la sécheresse, aux températures extrêmes, et pour la lutte contre les maladies et les insectes ».

Écologie
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