Une histoire italienne

Jean-Claude Renard  • 9 septembre 2010 abonné·es

Avec Renato Curcio, Mario Moretti a été l’un des fondateurs des Brigades rouges. Il a aussi été celui qui s’est le plus longuement entretenu avec Aldo Moro au cours des cinquante-cinq jours de sa séquestration. Et celui qui a fini par abattre au pistolet le président de la Démocratie chrétienne. Moretti a été arrêté en 1981. Au printemps prochain, il comptera trente ans d’incarcération. En semi-liberté depuis le milieu des années 1990, il travaille à l’extérieur de la prison et regagne sa cellule chaque soir.

Mine de rien, les événements relatés dans cet ouvrage d’entretiens avec Mario Moretti, paru en 1994 et enfin traduit en français, sont peu connus du public français, sinon l’épisode de l’exécution d’Aldo Moro, demeurant l’un des faits les plus marquants et les plus tragiques de l’histoire italienne contemporaine. Des années de plomb, on ne connaît souvent que les affaires soulevées par les demandes d’extradition des gouvernements italiens de personnes réfugiées dans l’Hexagone. Tels Cesare Battisti ou Marina Petrella.

Peu d’ouvrages ont été traduits parmi ceux consacrés à ce qu’Erri de Luca, lui-même ancien dirigeant du service d’ordre de Lotta continua, a appelé ce « mai long de dix ans » . Ce livre revêt donc un caractère exceptionnel, proposant une analyse rationnelle des Brigades rouges, loin des récits fantaisistes sur ce qui fut, avant tout, une lutte armée collective. En 1994, Mario Moretti brisait donc son silence obstiné depuis son arrestation, en accordant une série d’entretiens à deux journalistes italiennes. Carla Mosca, chroniqueuse judiciaire durant les procès des brigadistes pour Rai Uno, et Rossana Rossanda, ancienne dirigeante du secteur culturel du PCI et fondatrice du quotidien de la gauche critique, Il Manifesto . Si Moretti y reconnaît pour la première fois avoir abattu Aldo Moro, s’il relate par le menu les circonstances de sa séquestration, il revient surtout sur sur les origines des Brigades rouges, leur idéologie, leur organisation, leur fonctionnement, les arrestations et les dérives de la répression en dépit des droits humains, les dissensions internes. Jusqu’à leur déclaration unilatérale reconnaissant la fin du mouvement armé.

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