Libye : intervenir ou pas ?

Alors que les sbires de Kadhafi mènent une contre-offensive meurtrière, la communauté internationale s’interroge sur le bien-fondé d’une intervention.

Denis Sieffert  • 10 mars 2011 abonné·es
Libye : intervenir ou pas ?

Plus que jamais, la Libye est divisée. À l’est, les villes de Benghazi et de Tobrouk semblaient, mardi, solidement aux mains de l’insurrection. Mais, à l’ouest, la capitale, Tripoli, était toujours contrôlée par le régime de Mouammar Kadhafi. Du coup, la ligne de front se situait au centre, à Ras Lanouf, à 300 km, au sud-ouest de Benghazi, et à Ben Jawad, à une quarantaine de kilomètres plus à l’ouest, dans une région qui abrite d’importants terminaux pétroliers. Ce dernier village a été repris, dimanche, par les forces fidèles au régime, et Ras Lanouf restait sous la menace. Plus à l’ouest, un autre front a été ouvert à Misrata, troisième ville du pays, à 150 km de Tripoli, où les affrontements ont fait 21 morts lundi.

La contre-offensive du clan Kadhafi est surtout l’œuvre de milices étrangères qui opèrent avec des armes lourdes, des hélicoptères, et appuyées par des raids aériens. Face à cela, les insurgés sont évidemment vulnérables. D’où la question qui se pose à la communauté internationale. Est-il possible – et souhaitable – d’intervenir ? S’il semble pour l’instant – et fort heureusement – qu’une intervention terrestre soit écartée, un projet de zone d’interdiction aérienne qui paralyserait l’aviation de Kadhafi faisait débat dans les grandes capitales.

Instruit par l’histoire, on ne semblait pas disposé du côté de l’Union européenne à une intervention qui ne soit pas explicitement demandée par l’opposition libyenne, et qui n’ait pas reçu l’imprimatur de la Ligue arabe, et, bien entendu, un mandat des Nations unies. C’est précisément cette dernière condition qui faisait défaut en raison de l’opposition de la Russie et de la Chine, hostiles par principe à toute ingérence étrangère. Une réunion est prévue le 10 mars à Bruxelles en présence des ministres de la Défense des États-Unis, des vingt-sept Européens et du Canada. A minima, une destruction des pistes des aéroports pourrait être entreprise. L’engagement des Européens est évidemment loin d’être purement humanitaire. La crainte d’un fort mouvement migratoire vers la rive nord de la Méditerranée, au cas où le conflit se durcirait encore et menacerait de s’éterniser, était au cœur du débat. L’ambiance était un peu ­différente à Washington. Une partie des Républicains, à la tête desquels le sénateur McCain, candidat malheureux à la dernière présidentielle, faisaient campagne pour une intervention plus rapide et unilatérale.

Cette pression d’une certaine droite américaine se heurtait mardi encore au refus de Barack Obama. Le président américain redoutait à juste titre de produire un mouvement de rejet antiaméricain au moment où une diplomatie plutôt habile a replacé les États-Unis dans le monde arabe. En outre, la désastreuse expérience irakienne, comme l’Afghanistan, montre qu’il est plus aisé d’intervenir que de se sortir ensuite de bourbiers politico-militaires.
L’autre crainte des Occidentaux concerne évidemment le pétrole. Face à une opération militaire, Kadhafi ne sera-t-il pas tenté de saboter les puits de pétrole ? La rupture des approvisionnements : voilà la hantise des grandes capitales ! De façon symptomatique, nos grandes chaînes de télévision faisaient leur une lundi avec la hausse record du prix à la pompe, et les mesures de restriction prises déjà en Espagne. Chacun voit les événements qui bouleversent le monde arabe par le bout de sa lorgnette.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)
Analyse 6 juin 2025

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)

Les gauches sont bien à la peine à l’échelle mondiale. Trop radicales, elles perdent. Les moins radicales sont diabolisées. Toutes sont emportées dans un même mouvement. Pourtant, dans un monde où les vents de l’extrême droite soufflent fort, la social-démocratie n’a pas encore perdu la partie.
Par Loïc Le Clerc
Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza
Récit 4 juin 2025 abonné·es

Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza

Plus de 50 000 personnes au sein du territoire enclavé ont été tuées ou blessées par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre. Mais le sort des survivants doit aussi alerter. Privée d’éducation, piégée dans un siège total au cœur d’une terre dévastée, toute la jeunesse grandit sans protection, sans espoir.
Par Céline Martelet
À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »

Khaled Benboutrif est médecin, il est parti volontairement à Gaza avec l’ONG PalMed. La dernière fois qu’il a voulu s’y rendre, en avril 2025, Israël lui a interdit d’entrer.
Par Pauline Migevant
En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza
Témoignages 4 juin 2025 abonné·es

En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza

Depuis le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, les autorités françaises ont accueilli près de cinq cents Gazaouis. Une centaine d’autres ont réussi à obtenir des visas depuis l’Égypte. Parmi ces réfugiés, une majorité d’enfants grandit dans la région d’Angers, loin des bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Par Céline Martelet