Mitterrand et moi et moi et moi

Les chaînes se mobilisent sur la commémoration. Avec plus ou moins d’intérêt, et non sans narcissisme de la part des auteurs.

Jean-Claude Renard  • 5 mai 2011 abonné·es

Si Mitterrand était persuadé
qu’il fallait « cultiver ses morts » , cette programmation spéciale, à l’occasion
du trentenaire de son élection, exauce ainsi ses vœux. Une célébration qui dépasse très largement la date du 10 mai 1981. Pour commencer au jour J, Serge Moati, conseiller en communication de Mitterrand en 1981, signe (avec Christophe Barbier, directeur de l’Express , en coscénariste) Changer la vie, Mitterrand, 1981-1983 ,
un docu-fiction hésitant entre l’admiration et le défaitisme, ou plutôt la chronique d’une défaite inéluctable partagée entre promesses non tenues, déceptions et désillusions. Avec Philippe Magnan dans le rôle de Mitterrand et un excellent Éric Caravaca dans celui de Serge Moati (Moati filmant ainsi Moati produit par Moati), un film étiré sur les deux premières années au pouvoir (mais dont l’épilogue évoque les années 1990), qui mêle, selon le genre, des morceaux de fiction et des images d’archives. Un film cherchant à incarner la présidence, de détails en anecdotes, avec des clins d’œil fourrés dans la grande histoire et le curriculum vitae de ces années 1981-1983 (soit la gauche quand elle était à gauche).

Ce docu-fiction est suivi le même soir par un documentaire de Jean-Michel Djian, À bout portant , concentré sur les trois dernières années de Mitterrand. Des années rythmées par la maladie chez un homme entretenant le culte des cimetières et des pierres tombales, architecte de son mythe, et dont chaque rendez-vous avec l’histoire est une aubaine pour survivre (le centenaire du cinéma, l’inauguration du tunnel sous la Manche ou le cinquantenaire du 8 mai 1945). Sans doute le plus original des films, qui s’inscrit non pas dans la commémoration mais dans le portrait intime.

Concentré sur la date, le 10 mai 1981 de François Mitterrand , réalisé par Jean-Charles Deniau, d’une facture classique entre archives et témoignages (en contrepoint du film de Moati, parfois en opposition), reste purement anecdotique. S’il livre quelques pépites (de Pierre Juquin ou d’Ivan Levaï, alors dans le sein des seins, de Giscard d’Estaing, un tantinet condescendant, semblant se croire encore président de la République), ce film montre aussi toute une jeunesse qui vote, enthousiaste, très présente (une moyenne d’âge loin de l’électorat de Nicolas Sarkozy, donc).

Enfin, d’archives en témoignages d’humbles habitants et d’élus locaux, François Mitterrand, une vie en Bourgogne , de Jean-Michel Dury, revient très sobrement sur l’attachement du Président à sa terre élective, autour du Morvan, depuis sa première élection et sa première ascension de la roche de Solutré, en 1946, aux derniers jours de sa vie.
Un constat devant l’ensemble de cet anniversaire médiatisé : on y perçoit d’un film à l’autre, qu’il s’agisse d’une réalisation ou des interventions de politiques, de journalistes ou d’intellectuels, non pas seulement un Mitterrand dans l’exercice du pouvoir, au moment de l’élection ou plus tard, mais « moi et Mitterrand ». Mitterrand et moi et moi et moi…

Publié dans le dossier
En finir avec Mitterrand
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