Ruée sur « l’or blanc »

Le nombre de saisies récentes de défenses d’éléphant laisse supposer une recrudescence du braconnage.

Anne Solesne Tavernier  • 22 décembre 2011 abonné·es

Une cargaison de 15 tonnes d’ivoire d’éléphant : c’est l’énorme saisie réalisée la semaine dernière par les autorités de Malaisie, de très loin la plus grosse prise impliquant ce pays depuis le début de l’année, et qui restera dans les annales planétaires. Plus de 10 000 défenses d’éléphant ont été saisies depuis le début de l’année, infime partie d’un trafic beaucoup plus large.

Le commerce de l’ivoire est en pleine recrudescence depuis trois à quatre ans. Selon le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), le trafic coïncide avec la dernière vente légale, en 2008, accordée par la Convention internationale des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (Cites, accord international entre États) sous la pression des pays voulant écouler leurs stocks « légaux ». « Ça a permis de blanchir les lots illégaux qui ne se distinguent pas bien sûr de l’ivoire légal » , déplore Céline Sissler-Bienvenu, d’Ifaw France et Afrique francophone.

Le commerce illégal d’ivoire était sur l’agenda de la dernière session de la Cites, qui s’est tenue à Genève en août dernier. Mais la transparence n’a pas été de mise. « Il demeure une certaine opacité sur les questions de commerce de l’ivoire, notamment sur les chiffres des saisies et l’implication des réseaux criminels organisés » , constate Céline Sissler-Bienvenu.

C’est en Afrique centrale que se concentre le braconnage. Zone marquée par des problèmes de gouvernance, ancien espace de conflits où des armes de guerre circulent encore et où des rebelles trouvent toujours refuge dans des zones protégées. L’éléphant des forêts devient alors la première cible pour le financement de réseaux criminels. Selon Céline Sissler-Bienvenu, les saisies énormes des derniers mois laissent penser que les braconniers disposent de voies de passage tolérées sciemment par certains gouvernements.

Avec son programme « crime environnemental » , Interpol mène des opérations de grande envergure sur le terrain pour arrêter les trafiquants et contrôler les marchés. La Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam ont déjà été identifiés comme les principales zones de transit. Mais pour les associations et ONG, il faut lutter à la source, contre le braconnage, et aider à la formation des rangers (commandos spécialisés) pour protéger les populations d’éléphants encore en vie.

Le moteur du trafic se trouve dans la forte demande asiatique, chinoise en particulier, qui prête à l’ivoire des vertus médicinales et raffole des objets et des bijoux en « or blanc » . Le prix de l’ivoire varie à peu près entre 700 et 1 400 euros le kg. Internet joue un rôle important dans ce commerce illégal en facilitant les transactions d’objets en ivoire sans certification. À ce jour, seul le site eBay a mis en place des contrôles.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Surpêche : en France, les stocks s’épuisent, la pêche industrielle s’accroche
Infographie 9 juin 2025 abonné·es

Surpêche : en France, les stocks s’épuisent, la pêche industrielle s’accroche

Alors que les ressources marines françaises s’épuisent, la pêche industrielle poursuit son activité à un rythme soutenu. Sous la surface, les fonds marins français sont méthodiquement ravagés par des techniques de pêche industrielles lourdes et peu sélectives.
Par Maxime Sirvins
Les pêcheurs de la baie de Granville en eaux troubles
Reportage 9 juin 2025 abonné·es

Les pêcheurs de la baie de Granville en eaux troubles

Biodiversité, tourisme, pêche, conchyliculture… la zone maritime au large de Granville et de Chausey concentre à elle seule beaucoup des problématiques qui seront à l’ordre du jour de la Conférence des Nations unies  sur l’océan (Unoc) qui s’ouvre à Nice ce 9 juin.
Par Guy Pichard
Océan : les enjeux d’un sommet plus politique qu’écologique
Décryptage 9 juin 2025

Océan : les enjeux d’un sommet plus politique qu’écologique

Du 9 au 13 juin, une soixantaine de chefs d’État se réunissent à Nice pour la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) et discuter de la préservation des écosystèmes marins, indispensable à la vie sur Terre. Focus sur 3 enjeux majeurs de ce sommet où diplomatie et politique risquent de surpasser les défis écologiques.
Par Vanina Delmas
Limousin : la ferme-usine de la discorde
Reportage 28 mai 2025 libéré

Limousin : la ferme-usine de la discorde

Malgré la colère de riverains et des associations, un centre d’engraissement de plus de 2 000 bovins verra le jour près de Limoges, porté par un groupe agro-industriel.
Par Vanina Delmas