« Être là » de Régis Sauder : De la lumière dans le chaos

Régis Sauder montre des soignantes pleinement « là » face à la nécessité de leur mission.

Christophe Kantcheff  • 8 novembre 2012
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L’une des choses les plus difficiles est d’« être là » quand tout amène à aller voir ailleurs. Telle est la situation des soignantes du service médico-psychiatrique régional (SMPR) du centre pénitentiaire des Baumettes. À quoi doivent-elles faire face ? À la violence de la prison, aux obstacles pour y exercer leur métier, à la remise en cause du soin qu’elles prodiguent au profit d’une exigence de rationalisation et de sécurité formulée par la société, les pouvoirs publics, jusqu’aux courants dominants de la psychiatrie. Rien que cela.

Autant dire que Régis Sauder est allé filmer des gens à qui rien n’est donné, mais qui construisent et défendent vaille que vaille leur espace. Exactement comme il l’avait fait avec son beau premier long métrage, Nous, Princesses de Clèves, où une classe de terminale d’un lycée technique s’appropriait un classique de la littérature française a priori fort éloigné de leur réalité. Être là est un film chaotique et strident, à l’image de la vie au SMPR, entre le boucan des lieux, la scie des névroses et des angoisses, et la musique de fond de la misère. Régis Sauder donne à voir et à entendre le fonctionnement au jour le jour du service. Les patients hospitalisés dans les cellules, aux étages, qui appellent pour avoir des médicaments déstressants. Les entretiens, qui se déroulent au rez-de-chaussée, dans les bureaux des psychiatres, d’anciennes cellules recyclées. Les séances d’ergothérapie, où les détenus dessinent innocemment en parlant de viols ou de suicide. La coexistence avec les matons, plus ou moins neutre.

Mais Être là est aussi un film contemplatif donnant à voir, comme sans doute jamais ils ne l’ont été, le visage de ces femmes psychiatres en écoute. Il y a l’empathique, l’impénétrable, la combattante… et toutes sont belles par la relation qu’elles établissent avec les patients, l’engagement qui est le leur. Des personnages émergent. Le Dr Aude Daniel, incroyablement expressive, accompagnant du regard chaque propos de ses interlocuteurs, soutenante, et ne dédaignant pas le recours à l’humour. Le Dr Sophie Sirere, concentrée, la révolte à fleur de peau, les rides du front mouvantes comme une mer agitée, dévoilant en des textes splendides, face caméra, les yeux droit dans les nôtres, ses doutes, ses convictions, ses combats contre ce qui fait reculer le soin, et ses batailles sur elle-même. Ces femmes sont là. Sans réserve. Tout entières.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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