Plaidoyer pour une révolution économique

La sociologue américaine Juliet Schor analyse les impasses du capitalisme et prône une économie partagée.

Orianne Hidalgo  • 9 mai 2013 abonné·es

La « croissance » perpétue un système caduc voué au désastre financier, humain et écologique, au détriment d’une pensée durable, pourtant nécessaire. La recherche de la « véritable richesse », selon la sociologue américaine Juliet Schor, est la concrétisation d’une « plénitude », synthèse entre réduction du temps de travail, autoproduction et renforcement du lien social. Cette conception sociale et écologique, qui n’est pas opposée au progrès technologique, lève les barrières imposées d’une économie capitaliste pour explorer une économie partagée.

Le bilan de la crise financière aux États-Unis est une occasion pour l’auteure de confronter l’ultra-capitalisme à ses impasses et à ses contradictions. Spécialiste de la répartition du temps de travail et des modes de consommation, cette ex-enseignante en économie à Harvard propose de revoir radicalement les piliers du capitalisme libéral. À ceux qui prônent une croissance fondée sur l’exploitation des ressources naturelles, elle oppose les 125 milliards de dollars de surcoût annuel dus au changement climatique. À ceux qui promettent de lutter contre le chômage en augmentant la production, elle rappelle les 8 millions d’emplois détruits aux États-Unis par l’externalisation et la concurrence mondiale. «   Le point crucial, c’est de maintenir une structure horaire flexible et de soutenir une baisse de la durée du travail  […]. Quel que soit le niveau de la production, si le nombre moyen d’heures par emploi diminue, il faudra davantage de travailleurs   », explique la sociologue. «   Une économie en plein essor, née du grand effondrement », doit englober « des domaines tels que la culture des denrées alimentaires par les ménages  […] et des initiatives communautaires, comme le troc et l’achat en gros ». Schor éclaire de cette manière le paradoxe de nos sociétés modernes : «   Nous dévalorisons le monde matériel en achetant trop et en jetant trop de produits. » Ou encore : «   La consommation durable suppose une extension de la vie du produit. » Un discours qui résonne avec les travaux récents d’un autre Américain, Matthew Crawford, auteur d’un Éloge du carburateur  (La Découverte, 2010) dénonçant le malaise actuel du travail.

Schor dépasse les clichés pour démontrer que les habitus consuméristes et productivistes sont les réels obstacles à la transition. La théorie de la « plénitude » rétablit, à l’aide d’exemples concrets, le sens originel du mot « économie », usurpé par la finance spéculative. Quand la macroéconomie prétend créer des emplois par « ruissellement », Schor encourage une réappropriation du travail, de la consommation et de la production. Et c’est dans le terreau des mouvements collectifs que peut fleurir cette société.

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