« Robert sans Robert », de Bernard Sasia : Un film raccord

Dans Robert sans Robert, le monteur de Guédiguian revisite l’œuvre du cinéaste.

Christophe Kantcheff  • 3 octobre 2013 abonné·es

Rares sont les monteurs qui ont pris la parole à travers un livre pour expliquer leur métier. Parmi eux, Walter Murch a récemment raconté, dans En un clin d’œil  [^2], quarante années de travail avec Francis Ford Coppola. Plus exceptionnel encore : un monteur qui s’exprime en réalisant lui-même un film. C’est le cas aujourd’hui de Bernard Sasia, avec Robert sans Robert. Monteur attitré de Robert Guédiguian, il propose, avec Clémentine Yelnik, une digression ingénieuse à la fois sur son travail et sur le cinéma du réalisateur de Marius et Jeannette. Robert sans Robert n’est certes pas un film théorique sur le montage, il ne donne pas non plus de clé sur la meilleure façon de rapprocher deux plans, de les faire dialoguer. Bernard Sasia préfère revisiter à sa manière les 17 films de Guédiguian, lui « emprunter » ses personnages et ses comédiens, avec la liberté – et souvent la fantaisie – du monteur pour l’occasion démonteur. Sasia et Yelnik imaginent de nouveaux destins aux personnages, jouant sur la présence chez Guédiguian des mêmes comédiens depuis plus de trente ans. Ils sautent d’un film à l’autre et abordent ainsi plusieurs thématiques du cinéaste. Ce faisant, Bernard Sasia raconte également une aventure humaine. Non seulement les face-à-face taiseux dans la cabine de montage, ou plus exactement les plongées dans le noir des heures durant face au film, le réalisateur et le monteur assis côte à côte. Mais aussi la manière dont Bernard Sasia s’inscrit plus largement dans une « tribu » solidaire et talentueuse au service d’une œuvre vivante, que Robert Guédiguian ne cesse d’enrichir.

[^2]: Éd. Capricci, 2011.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes