Buren à l’opéra (À flux détendu)

Daphnis et Chloé , à l’Opéra Bastille, un ballet où la musique, la danse et la scénographie forment un triptyque complexe et harmonieux, où chaque élément vient exalter les deux autres.

Christophe Kantcheff  • 5 juin 2014 abonné·es

Le rideau de l’Opéra Bastille se lève et, derrière lui, un autre rideau apparaît, tout aussi imposant, orné de bandes blanches verticales. Les premiers accords de Daphnis et Chloé montent de la fosse. La flûte, puis le cor, et les doux murmures du chœur. Les sens sont immédiatement saisis. Quand la musique de Ravel, exécutée par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, dirigé par Philippe Jordan, gagne en intensité, l’envoûtement s’accomplit, tandis que le regard du spectateur est happé par le rideau de bandes blanches. Il se noie dans cette immensité lumineuse, propice aux visions : tantôt du relief, tantôt des formes qui s’incrustent. Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Voilà la formidable introduction du ballet qui se donne à l’Opéra Bastille, à Paris, jusqu’au 8 juin, Daphnis et Chloé. Un ballet, ou plus exactement un spectacle. Car ici la danse ne tient pas seule la vedette. La musique, la danse et la scénographie forment un triptyque complexe et harmonieux, où chaque élément vient exalter les deux autres. L’auteur de ce rideau fantastique est Daniel Buren. Ses légendaires bandes blanches, ici, sont magiques. Puis, quand viennent les danseurs, l’artiste a imaginé une scénographie composée de formes géométriques multicolores, imposantes et légères. Elles aussi dansent, montant et descendant, alors que les étoiles de l’Opéra, sur une chorégraphie du talentueux Benjamin Millepied, racontent une fable universelle : Daphnis, son amoureuse Chloé, un prétendant éconduit, et une bande de mauvais garçons qui s’emploient à enlever la jeune femme. Arrive un moment où, derrière un rectangle et un carré de Buren, alors posés sur scène, la bande des ravisseurs apparaît en transparence, comme des ombres. L’ambiance est presque urbaine. Un flash, soudain, m’a traversé l’esprit. La rencontre entre Daphnis et Chloé et West Side Story. J’étais transporté, oui, par magie.

Culture
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