Sénatoriales : un scrutin méconnu et sans grand effet

La droite devrait retrouver dimanche soir la majorité au Sénat, une assemblée génétiquement conservatrice. Ce basculement n’aura toutefois guère de conséquences.

Lou-Eve Popper  • 27 septembre 2014
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Sénatoriales : un scrutin méconnu et sans grand effet
© Photo: FRANCOIS GUILLOT / AFP

Alors que le Sénat va être renouvelé pour moitié ce dimanche 28 septembre, les chroniques et papiers s’enchaînent pour moquer une institution jugée inutile et dépassée. L’indifférence à l’égard de la chambre haute du Parlement, qui vire parfois à l’impopularité, n’est plus à démontrer. Selon un sondage Ifop pour Ouest-France , 65% des Français ne se sentent pas concernés par ce scrutin. Et pour cause… Le Sénat étant renouvelé par moitié tous les trois ans, le scrutin de dimanche ne concerne que la moitié des départements. Deux modes de scrutins coexistent :
scrutin majoritaire à deux tours dans les 34 départements élisant deux sénateurs ou moins,
scrutin de liste à la proportionnelle dans les 29 autres départements élisant plus de deux sénateurs.

De plus, les sénateurs sont élus au scrutin universel indirect par des grands électeurs, qui devront payer une amende de 100 euros s’ils ne votent pas. Ce corps électoral très réduit, d’environ 88 000 électeurs ce dimanche, se compose de députés, de sénateurs, de conseillers généraux et régionaux et, dans une écrasante majorité, des représentants des communes.

Illustration - Sénatoriales : un scrutin méconnu et sans grand effet - Départements concernés par l'élection sénatoriale de dimanche.  (D'après une [ carte interactive->http://www.senat.fr/senatoriales2014/iframe/index.html] du Sénat)

Paradoxe , ce scrutin qui n’intéresse pas les électeurs a enregistré un nombre record de candidatures : 1 732 candidats se disputent les 179 sièges renouvelables.

Le principal enjeu du scrutin réside dans un possible basculement du Sénat qui, selon toutes probabilités, devrait repasser à droite. En 2011, après 43 ans de domination de la droite, la gauche était parvenue à décrocher la majorité absolue et avait élu à la présidence du Palais du Luxembourg un socialiste, Jean-Pierre Bel. Dimanche, ces trois années ont toutes les chances de n’avoir été qu’une « parenthèse » dans l’histoire d’une institution génétiquement conservatrice. La gauche dispose de 177 sièges, la droite en détient 168. Il lui suffit donc de gagner 7 sièges pour atteindre la majorité absolue (175). Les sénateurs étant désignés à 95 % par les représentants des communes, la vague bleue des municipales devrait logiquement bénéficier à l’UMP, et l’arrivée d’un ou deux sénateurs FN n’est pas exclue.

Un mauvais signal politique

Un basculement du Sénat constituerait, pour le PS (et le gouvernement), une nouvelle claque après sa déroute aux municipales et aux européennes. Il aurait toutefois des conséquences limitées. Sur tous les projets de loi ordinaire, budget compris, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Un Sénat à droite risque seulement de compliquer un peu plus la tâche du gouvernement en usant de toutes les ficelles procédurières pour retarder au maximum un texte auquel il serait hostile. C »était déjà un peu le cas puisque, malgré l’élection d’une majorité de gauche en 2011, le gouvernement ne disposait pas d’une majorité acquise au Sénat où des projets de loi importants comme les textes budgétaires ou la réforme régionale ont été rejetés.
Le passage du Sénat à droite à mi-mandat de François Hollande serait surtout pour l’exécutif un mauvais signal politique au moment où Nicolas Sarkozy se lance pour la présidentielle de 2017.

La poussée de la droite pourrait néanmoins être amortie , voire contrariée, par un changement du mode de scrutin. Auparavant, les départements qui élisaient trois sénateurs le faisaient par le biais du scrutin majoritaire ce qui avait pour conséquence de permettre à la droite, lorsqu’elle était majoritaire, de remporter les trois sièges renouvelés. Aujourd’hui, le scrutin à la proportionnelle, qui s’impose auprès de tous les départements élisant plus de deux sénateurs va obliger la droite, même si elle est majoritaire à partager au moins un siège avec la gauche. Or la droite remet plus de sièges en jeu que la gauche : elle détient 55 % des sièges soumis à renouvellement, la gauche 45 %.
En outre, la multiplication des listes dissidentes et la montée du FN vont disperser les voix à droite.

Politique
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