Le Sénat retourne à droite

Une institution dont l’utilité et le mode de scrutin sont de plus en plus contestés.

Michel Soudais  • 1 octobre 2014 abonné·es
Le Sénat retourne à droite
© Photo : AFP PHOTO BERTRAND GUAY

Sans surprise, le Sénat, dont la moitié des élus étaient renouvelés dimanche, a changé de majorité. Il y a trois ans, après quarante-trois ans de domination ininterrompue de la droite sur le Palais du Luxembourg, un socialiste, Jean-Pierre Bel, accédait au « plateau », la présidence de la Haute Assemblée, porté par une courte majorité de 179 sénateurs socialistes, communistes, radicaux de gauche et écologistes. Mercredi, c’est un sénateur de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin ou Gérard Larcher, qui devait lui succéder, ce parti et l’UDI disposant désormais d’une majorité de 190 sièges sur 348. Le Sénat retourne à son état de nature, conservateur, après une courte parenthèse.

Ce basculement aura toutefois des conséquences limitées, l’Assemblée nationale ayant le dernier mot sur tous les projets de loi ordinaire, budget compris. Il ferme la porte à toute révision constitutionnelle – mais François Hollande ne semblait pas souhaiter en faire – et rend hypothétique l’adoption de lois organiques, ces dernières nécessitant l’approbation du Sénat. Cette impuissance remet sur la table la question de l’utilité du Sénat, dont le mode de scrutin indirect a, une fois de plus, étalé ses défauts. Marie-Christine Blandin, sénatrice écologiste du Nord, le décrit sur Mediapart comme « un conflit d’intérêts »  : « Des gens qui ont la responsabilité de grandes collectivités financent des gens d’autres collectivités qui voteront pour eux. »

Le résultat des Bouches -du-Rhône n’infirme pas ce constat. Jean-Noël Guérini, sénateur sortant et tout-puissant patron du conseil général en délicatesse avec la justice – en examen pour « association de malfaiteurs » dans deux affaires touchant des marchés publics –, y conduisait une liste clairement tournée contre celle du PS, son ancien parti. Il fait mieux que résister, raflant trois sièges sur les huit du département, avec un score de 30,1 %, quand Samia Ghali (PS) sauve son siège de justesse (9,75 %). Même constat en Polynésie, où les deux nouveaux élus sont des proches de Gaston Flosse, récemment déchu de tous ses mandats. L’élection de deux sénateurs FN, l’un des faits marquants de cette élection, ne rehaussera pas l’image de ce scrutin. Alors que le parti d’extrême droite ne disposait que d’un millier de voix dans l’ensemble des départements soumis à renouvellement, près de 3 000 élus supplémentaires qui, pour la plupart, rechignent à parrainer un Le Pen à la présidentielle, craignant la publicité donnée à leur signature, n’ont pas hésité à voter pour des candidats du FN dans le secret de l’isoloir. Contribuant clandestinement à sa banalisation.

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