Chronologie

Les principes et l’attachement aux libertés, ça va un moment.

Sébastien Fontenelle  • 29 janvier 2015 abonné·es

Pour une fois, si tu permets, je vais faire sobre. Du style : zéro phrase de vingt kilomètres. Mais plutôt le simple rappel de quelques faits, dont l’addition, restituée dans sa – courte – chronologie, a, me semble-t-il, quelque chose d’éclairant. Le 4 janvier 2015, Jean-Yves Le Drian est en Arabie saoudite, où règne un fondamentalisme d’airain. La visite n’est pas exactement désintéressée : il s’agit, pour le ministre « socialiste » de la Défense, rapportera RFI, d’évoquer avec ses hôtes « un certain nombre de sujets dans le cadre de la coopération entre les deux pays ». Notamment, il « finalise » avec « son homologue saoudien, le prince héritier Salman bin Abdul Aziz, la signature d’un contrat » d’armement d’un montant « de 3 milliards de dollars ». Une coquette somme, convenons-en.

Trois jours plus tard – le 7 janvier, donc – les frères Kouachi perpètrent à Paris, dans les locaux de Charlie Hebdo, l’immonde tuerie que l’on sait, prélude à soixante heures d’épouvante absolue. Au terme desquelles François Hollande, président « socialiste » de la République française, n’aura de cesse de redire encore et encore (et encore) sa détermination à lutter sans merci contre « la barbarie » et pour « la liberté » – d’expression, notamment.

Le 9 janvier, le blogueur saoudien Raif Badawi, condamné en 2014 (en appel) à une peine de mille – mille ! – coups de fouet [^2] pour avoir usé, justement, de sa liberté d’expression, reçoit à Djeddah les premiers de ces coups, qui doivent lui être administrés au rythme de cinquante par semaine pendant vingt semaines. Le 16 janvier, une Birmane installée en Arabie saoudite est décapitée en pleine rue à La Mecque. Deux jours plus tard, le 18 janvier, un homme qui avait filmé son exécution est arrêté : les autorités saoudiennes, qui semblent n’avoir que peu goûté la divulgation de ces images insoutenables, envisageraient de le poursuivre pour « cybercriminalité [^3] ».

Le 23 janvier, Abdallah ben Abdelaziz Al-Saoud, roi d’Arabie saoudite, sous qui ce pays est donc resté, pour ce qui touchait aux droits de l’homme, « l’un des plus rétrogrades au monde [^4] », meurt d’une pneumonie. Le lendemain, le monde entier se presse à Ryad pour lui rendre un dernier hommage. François Hollande – le même que celui qui a si passionnément redit quinze jours plus tôt sa détestation de la barbarie et son attachement à la liberté d’expression – a fait le déplacement et présente ses condoléances à la famille du défunt. (Dont il avait déjà chaudement salué la mémoire.)

Vingt-quatre heures plus tôt, ledit Hollande avait rappelé, au Forum de Davos, et devant la crème du capitalisme mondial, que la France restait, sous son règne, plus que jamais business friendly  : on ne saurait mieux dire que les principes, ça va un moment, mais qu’il ne faudrait pas non plus que l’attachement aux libertés nous coupe trop de nos riches amis.

[^2]: En même temps qu’à dix ans de prison…

[^3]: Selon France 24.

[^4]: RFI, 24 janvier 2015.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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