Législative partielle dans le Doubs : Un scrutin de mauvais augure

Le PS conserve à l’arrachée la 4e circonscription du Doubs, mais cette victoire, plombée par l’impressionnante progression du FN, annonce des élections départementales difficiles.

Michel Soudais  • 12 février 2015 abonné·es
Législative partielle dans le Doubs : Un scrutin de mauvais augure
© Photo : AFP PHOTO / SEBASTIEN BOZON

Rarement une élection partielle n’aura été autant observée et commentée. C’est qu’à un mois et demi des élections départementales des 22 et 29 mars, le scrutin organisé dans la 4e circonscription du Doubs afin de pourvoir au remplacement de Pierre Moscovici à l’Assemblée nationale avait été érigé en test national par les états-majors politiques. Son résultat est préoccupant, mais ce qui l’est encore plus, c’est l’incapacité du gouvernement et du PS à en tirer les leçons. Certes, le socialiste Frédéric Barbier a gagné dimanche le duel qui l’opposait à la candidate du Front national, Sophie Montel. Mais dans cette circonscription ouvrière et populaire, à gauche depuis longtemps, cette victoire étriquée, acquise avec 51,43 % des suffrages contre 48,57 %, sonne presque comme une défaite. Certes, elle permet au PS de mettre un coup d’arrêt à une série noire de 13 échecs électoraux depuis le début du quinquennat de François Hollande, mais son candidat, dimanche soir, comme il l’a reconnu honnêtement, n’avait pas de raison de pavoiser ni de se réjouir.

En 2012, Pierre Moscovici avait été élu avec 19 311 voix (49,32 %) dans une triangulaire qui l’opposait à l’UMP et au FN. Dimanche, en dépit d’une participation électorale en hausse par rapport au premier tour (49 %, + 9 points) et de l’absence de l’UMP, qui lui ont permis de gagner 8 088 voix entre les deux tours et de refaire ainsi son retard – il avait obtenu 28,85 % le 25 janvier –, Frédéric Barbier n’a rassemblé que 15 504 voix. Le FN, bien que battu, avait en revanche des raisons de se satisfaire de la stupéfiante progression de sa candidate, laquelle avait déjà suscité le trouble en arrivant en tête du premier tour avec 32,6 %. Non implantée localement – elle réside près de Besançon –, contrairement à Frédéric Barbier, 54 ans, vice-président du conseil général, Sophie Montel arrive en tête dans 43 des 96 bureaux de vote de la circonscription et dans une trentaine des 56 communes qui la composent. Surtout, d’un dimanche l’autre, elle gagne 6 079 voix, alors que, sur le papier, elle ne disposait d’aucune réserve de voix hormis parmi les abstentionnistes. Sauf dans de très rares cas, on n’avait pas observé dans le passé une telle progression du FN entre deux tours. Une avancée qui augure de victoires futures de l’extrême droite dans d’autres élections et sur des territoires moins ancrés à gauche. Elle est due essentiellement à la radicalisation de l’électorat UMP qui, majoritairement, semble préférer voter extrême droite plutôt que PS.

Le parti de Nicolas Sarkozy est le grand perdant de ce scrutin. Son porte-parole, Sébastien Huyghe, a beau minimiser l’importance de cette partielle dont il ne faudrait « pas surinterpréter » les résultats –  « 30 000 personnes » ont voté dans un pays de « 65 millions d’habitants », argue-t-il –, les faits sont têtus. Le retour de Nicolas Sarkozy ne s’est traduit par aucune dynamique électorale, son candidat ayant été éliminé au premier tour (26,54 %). L’UMP s’est ensuite divisée sur la consigne à donner. Contre l’avis d’Alain Juppé, de Nathalie Kosciusko-Morizet et de quelques autres qui appelaient à voter PS, mais aussi contre celui de son président, qui plaidait pour une inflexion du « ni-ni » (ni FN-ni PS) avec un texte appelant à faire barrage au FN. Le bureau politique de l’UMP, à l’issue d’une réunion houleuse, avait appelé ses électeurs à voter blanc ou à s’abstenir. Une consigne peu suivie : toutes les analyses du scrutin estiment que près de la moitié des électeurs de droite se sont reportés sur le FN, un tiers sur le PS, le reste s’abstenant. Le front républicain a bel et bien vécu. « Il y a le feu au lac », avertit le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui presse plus que jamais les radicaux de gauche, les écologistes et les communistes à s’unir autour de son parti. À la tête de 50 départements, le PS est menacé d’en perdre 40 du fait de la démobilisation de l’électorat de gauche.

Du fait aussi du nouveau mode de scrutin qu’il a imposé, seul : pour se qualifier au second tour, il faut obtenir au moins 12,5 % des inscrits. « Le FN peut très bien se qualifier pour le second tour dans un quart des cantons », estime Christophe Borgel, le « monsieur élections » de la rue de Solférino. Qui précise que la gauche pourrait « être éliminée dans plus de 300 » des 500 cantons. La direction du PS n’entend toutefois pas incriminer la politique du gouvernement. Comme après le 21 avril 2002, elle n’explique la désaffection de l’électorat que par la division de ses formations.

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