Hélas, hélas, hélas…

Jacques Julliard est très en colère à l’idée que les divagations racistes seront plus sévèrement réprimées.

Sébastien Fontenelle  • 30 avril 2015 abonné·es

L’éditocrate Jacques Julliard (JJ), transfugé de chez l’Obs (où il s’était plutôt spécialisé dans la récitation des vertus du capitalisme rhénan), écrit depuis quelques ans chez Marianne. Dans le dernier numéro de cette publication où la dignité se porte en sautoir, il raconte, sanglé dans un treillis de maquisard de l’anticonformisme à deux balles, qu’il est très en colère à l’idée que l’émission publique (dans la presse, notamment) de divagations racistes sera, dorénavant, plus sévèrement réprimée qu’elle ne l’était jusqu’à présent. Ça le rend comme fou, JJ, cette idée que, si tu dégueules trop de xénophoberies, ça risque désormais de te coûter plus cher qu’avant – et qu’il sera par conséquent un tout petit peu moins facile de proférer que les Roms, d’accord, mais. (Ou que les musulman(e)s,très bien, pourquoi pas, faut de tout pour faire un monde, mais à condition que. )

Profondément traumatisé par ce qu’il ressent comme une atteinte caractérisée à une liberté fondamentale (qui ressemble donc très, très fort à celle d’excréter librement des saloperies altérophobes), JJ, durites fondues, développe dès lors des considérations qui pourraient n’être que pathétiques, mais qui – hééélas, hééélaaas, hélaaas, comme disait feu Gaulle [^2] – doivent être regardées d’un peu près pour ce qu’elles révèlent d’une époque où elles peuvent être dites sans que leur auteur soit immédiatement disqualifié. Rexemple :JJ explique sans rire, et comme s’il n’avait véritablement jamais relevé que ces deux personnages se sont, chacun dans sa catégorie, spécialisés d’assez longue date dans le lâcher public de sorties antimusulmanes et que cela leur a valu d’être (presque) partout ovationnés en héros de l’intelligence, qu’il faut vraiment être un(e) sale con(ne) [^3] biberonné(e) à la bien-pensance pour considérer que MM. Houellebecq et Onfray (rires) seraient le moins du monde islamophobes – allons, allons, qu’allais-tu imaginer là, ces deux-là sont d’admirables mecs, lucides, émancipés des corsets du dogmatisme.

Surtout, JJ, pour mieux asseoir son refus de ce qu’il présente comme une censure – quand il ne s’agit, j’y insiste, que de prévenir la multiplication des saillies racistes –, produit cet argument que je te demande de lire plusieurs fois, à la fin de bien te pénétrer de ce qu’il dit sans vraiment le dire, mais en le suggérant tout de même un peu fort (à mon humble avis) : « Sous Vichy, c’est l’avortement qui est puni de mort. Les gens de l’époque ne s’imaginaient pas qu’il serait, moins d’un demi-siècle plus tard, remboursé par la Sécurité sociale. Aujourd’hui, c’est le racisme qui est regardé comme le péché capital.  […] La tâche des partisans de la liberté  […] est de s’opposer à la transformation de la morale dominante en un ordre moral qui la soumet tout entière à un arsenal légal. » Je te l’emballe – ou tu l’emportes en vrac en attendant que les zemmoureries soient remboursées par la Sécu ? 

[^2]: Et comme on dit aussi en Grèce. (Si tu veux d’autres vannes hilarantes, t’appelles, hein ?)

[^3]: Jacques Julliard, évidemment, ne l’écrit pas tout à fait comme ça : il use d’un langage plus tenu, étant de la coterie où les insanités sont dites avec le petit doigt levé.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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