Instantanés inédits du Festival de Cannes

De Ken Loach à Wim Wenders… Des personnalités du cinéma évoquent un souvenir cannois.

Jean-Claude Renard  • 7 mai 2015 abonné·es
Instantanés inédits du Festival de Cannes
© **L’Instant d’avant** , à partir du lundi 11 mai, tous les jours à 20 h, sur Arte, jusqu’au 23 mai. Photo : Bernard Larriu

Cannes, 1984. Invité pour Paris, Texas, Wim Wenders convainc, non sans mal, son acteur Harry Dean Stanton de se joindre à lui. Rétif aux mondanités et à la foule, le comédien vient accompagné alors d’un jeune homme, chevalier servant et rassurant. Il s’agit de Sean Penn. Après le vif succès de la projection, le cinéaste allemand croise la route d’un tout jeune réalisateur, qui vient de recevoir la Caméra d’or (pour Stranger Than Paradise ). Jim Jarmush. Ils passeront toute la nuit ensemble à jouer au flipper, éveillés jusqu’au petit matin, avant d’aller acheter la presse aux premières lueurs du jour. Et d’imaginer le duo Wenders/Jarmush s’enhardir devant la machine des heures durant… Après quoi, tout simplement, « nous sommes allés dormir », raconte Wenders (qui emporta la palme cette année). C’est un souvenir plus contrasté, sinon amer, que garde Ken Loach d’un Festival de Cannes, quand il est en compétition pour Land and Freedom, en 1995. Le jour des récompenses, il reçoit un appel. Et prend aussitôt un avion à Londres pour se rendre sur la Croisette avec sa productrice. À bord de l’avion, sur le point de décoller, le pilote leur demande de redescendre. C’est plus tard qu’ils apprendront « qu’il y a eu un coup au sein du jury, un coup politique qui signifiait que nous n’avions rien. Il y a eu, semble-t-il, une bataille politique. Apparemment, il y avait un stalinien, en désaccord avec le film, qui a réussi à convaincre le jury ». Loach ne saura jamais la vérité. Reste le souvenir de cette sortie de l’avion, humiliante, avec « l’impression d’avoir commis un crime » .

Ce sont là deux entretiens figurant dans cette remarquable série réalisée par Stéphanie Giraud et Florence Dauchez, programmée à l’occasion du festival, des entretiens courts mais forts, articulés autour d’un souvenir cannois pour quelques personnalités du cinéma, où l’on retrouve notamment Ennio Morricone (revenant, à 88 ans, sur la composition de Mission ), Michael Haneke, Marjane Satrapi, ou encore Gustave Kervern et Benoît Delépine (revendiquant un doigt d’honneur à Brad Pitt, qui refusa de serrer la main du premier). Filmées face caméra, très sobrement, autant de figures et autant de confessions, parfois douloureuses, fragiles, fébriles ou hilarantes, parfois anecdotiques, ou plus légères (parce que la loi du genre, pour une série, veut que tous les épisodes ne se valent pas), mais des instants bien ancrés dans la mémoire des uns et des autres.

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