Gary Clark Jr. : bluesman éclectique

Gary Clark Jr. est en concert à Paris le 18 novembre. L’occasion de découvrir un musicien brillant ancré dans la tradition texane.

Pauline Guedj  • 11 novembre 2015 abonné·es
Gary Clark Jr. : bluesman éclectique
© **Blak and Blu** , 2012, Live, 2014, The Story of Sonny Boy Slim, 2015, Warner Bros. En concert au Bataclan, Paris, 18 novembre à 19 h 30. Photo : Frank Maddocks

Il est des artistes américains qui, d’une rive à l’autre de l’Atlantique, connaissent des notoriétés contrastées. Adoré aux États-Unis, adoubé par les plus grands musiciens, le guitariste et chanteur Gary Clark Jr. jouit en France d’une renommée moins unanime. «  Un peu jeune  », avaient commenté certains en 2012 à la sortie de son premier album distribué par une major. Du haut de ses 31 ans, Gary Clark Jr. ne serait pas à la hauteur de sa réputation. Une réputation complètement folle.

Né en 1984 à Austin, au Texas, Gary Clark Jr. est le produit d’une scène locale. Adolescent, il se fait connaître en interprétant des reprises de classiques du blues, « T-Bone Shuffle », « Pride and Joy ». Le jeune musicien s’ouvre aussi à d’autres influences, comme la soul et le rock. Il y eut d’abord l’empreinte de Michael Jackson, son premier concert à 5 ans ; puis celle, profonde, de sa ville natale, îlot multiculturel dans un État conservateur. «   Lorsque vous remontez la Sixième rue à Austin, explique-t-il, vous recevez beaucoup d’informations musicales. J’aime entrer dans un club pour entendre du blues, puis traverser la rue pour manger une pizza dans un restaurant où joue un groupe de country.   » Cette formation multi-genres fera de lui un musicien éclectique, prêt à partager la scène avec des artistes aussi variés que Beyoncé et Jeff Beck. À 15 ans, Gary Clark Jr. est repéré par un magnat d’Austin, Clifford Antone, propriétaire du célèbre club de blues Antone’s. Il participe à des jam-sessions puis obtient des engagements réguliers. Sur la scène du club, il affine son jeu de guitare, comme l’avaient fait avant lui Stevie Ray Vaughan, Buddy Guy ou Jimmy Reed. Le public se presse pour voir celui qu’on compare déjà à Jimi Hendrix. Puis en 2010, Gary Clark Jr. décroche une prestation au Crossroads Guitar Festival d’Eric Clapton. Le fondateur de l’événement est admiratif. Il envoie à Clark une lettre : « Merci. Vous m’avez donné envie de recommencer à jouer. » Une pluie d’éloges s’abat sur lui. Pour le magazine Rolling Stone, Gary Clark Jr. est l’«  élu  ». Pour Buddy Guy, il rappelle T-Bone Walker et pourrait  «  sauver le blues  ». En février 2012, il joue à la Maison Blanche avec Mick Jagger et B.B. King.

À côté de ces collaborations prestigieuses, Gary Clark Jr. dessine tranquillement sa carrière solo. Il enregistre des albums. Blak and Blu, produit à Los Angeles par des pontes de l’industrie, contient de très beaux moments :« Numb », « Bright Lights », le « springsteenien » « Travis County ». Puis, en septembre, sort The Story of Sonny Boy Slim, enregistré à Austin. L’album est plus écrit, plus travaillé. On y passe d’une ballade proche du Philadelphia Sound des sixties, « Our Love », à une fusion de gospel et de protest songs à la Bob Dylan, le magnifique « Church » ; de blues aux arrangements afrobeat, « Cold Blooded », ou teintés de hip-hop, « Grinder », à des morceaux funky, en voix de tête, « Star », « BYOB ».

Et puis, chez Gary Clark Jr., il y a la scène. En quartet tout au plus, le musicien sait mêler son exceptionnel talent d’improvisateur, des solos fougueux et inspirés, à un accompagnement de guitariste rythmique. Dans son jeu, pas de poncifs, pas de clichés démonstratifs, mais un ancrage subtil à un blues dont il connaît les ressorts et qu’il fait vivre à chaque concert. Cinq ans après la fameuse lettre d’Eric Clapton, Gary Clark Jr. n’a certainement pas révolutionné la musique populaire américaine, mais il reste un instrumentiste hors pair, un chanteur à la voix délicate et précise, un artiste de scène inventif et souvent bluffant. Si vous ne pouvez pas assister au concert de mercredi, ruez-vous sur son album Live paru l’année dernière. Vous ne serez pas déçus.

Musique
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