Restons groupés (« À flux détendu »)

Pour répliquer à l’État islamique, il faudrait plus que jamais encourager la société au lieu de prolonger l’état d’urgence.

Christophe Kantcheff  • 25 novembre 2015
Partager :
Restons groupés (« À flux détendu »)

Ce n’est un mystère pour personne que l’État islamique ne fait aucun cas des individus. Même la propre personne des tueurs ne compte guère, leur mission meurtrière devant s’achever par leur « sacrifice ». Les 130 personnes qu’ils ont massacrées ne les intéressaient pas en soi, c’est ce qu’elles représentaient qu’ils voulaient atteindre, une manière de vivre, un hédonisme partagé, un plaisir d’être ensemble. Dans leur viseur, il y a ce qui fait société, une société qu’ils honnissent. Pour leur répliquer, il faudrait plus que jamais encourager celle-ci. Or, l’état d’urgence produit l’effet inverse. Les mesures prises n’ont pas seulement un potentiel liberticide, elles sont philosophiquement une erreur. L’interdiction de toute réunion ou manifestation sur la voie publique va dans le sens d’un repliement sur soi, d’un isolement dans la peur, aux dépens d’un être-ensemble qui réconforte et renforce. Aux dépens d’attroupements pour exprimer vigueur et résistance. Sait-on que les rassemblements de ce vendredi 20, en mémoire des victimes, une semaine après les attentats, n’ont été que « tolérés » puisqu’ils contrevenaient à l’état d’urgence ? Sait-on que même les distributions de repas par les Restos du cœur sont interdites à Paris ? Je n’ose envisager qu’il existe des arrière-pensées politiques dans l’injonction faite par le gouvernement d’annuler les marches durant la COP 21. Mais j’imagine plaisamment une chose : et si, à l’instar des sondages qui voient la cote de l’exécutif remonter, les résultats des régionales n’étaient pas si mauvais pour le Parti socialiste ? La catastrophe électorale annoncée est évitée, et même mieux, c’est un succès. Alors les militants PS, qui n’y croyaient plus, se lancent par les rues, fous de joie, avec colifichets et trompettes. Et hop, au poste, tout ce petit monde : manifestation interdite !

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don