De très « hautes valeurs morales »

Lorsqu’un militaire israélien abat un assaillant désarmé, il convient donc de ne point trop s’en offusquer.

Sébastien Fontenelle  • 30 mars 2016 abonné·es

Ce 24 mars, à Hébron, un soldat israélien, qui ne pouvait évidemment pas deviner qu’il était filmé, a tiré une balle dans la tête d’un Palestinien – qui venait d’attaquer un autre militaire mais avait déjà été neutralisé et gisait à terre. Benyamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, a dans un premier temps réagi à cette froide exécution en expliquant qu’elle « ne reflétait pas les valeurs » de l’armée israélienne.

Et, bien sûr, cette déclaration doit être interrogée. Car, en vérité, cette armée – que ses thuriféraires présentent volontiers comme « la plus morale du monde » – est très exactement ce que le gouvernement que dirige M. Netanyahou lui demande d’être. Et ce gouvernement la lance très régulièrement dans des opérations où l’on peine parfois à bien distinguer ce que seraient, au juste, ces « valeurs », censément positives, dont se prévaut son chef. Comme au Liban, en 2006, où ses bombardements – durant lesquels des bombes à sous-munitions et d’autres au phosphore ont été utilisées – ont fait, en représailles à des lancers de roquettes, 1 400 victimes civiles. Comme à Gaza, en 2008 et 2009, où l’opération israélienne Plomb durci a fait, au même prétexte, plus de 1 300 victimes palestiniennes, dont 65 % de civil(e)s, parmi lesquels plusieurs centaines d’enfants. Liste non exhaustive.

Adoncques, insistons-y, M. Netanyahou va un peu vite en besogne lorsqu’il assure que l’exécution sommaire du 24 mars serait totalement contraire à l’éthique d’une armée qui bombarde régulièrement des populations civiles : elle s’inscrit, au rebours, et à l’échelle d’un individu, dans l’esprit de la doctrine selon laquelle leur fin antiterroriste justifie les moyens – si démesurés soient-ils – déployés dans ces interventions.

Du reste, le Premier ministre israélien n’a pas été long à (beaucoup) tempérer sa réprobation. Constatant que sa très (très) droitière base électorale inclinait assez largement, et dans un élan qui en dit long sur la constante radicalisation de la société israélienne, à prendre la défense du soldat incriminé – voire, pour les plus extrémistes, à justifier son acte au nom, toujours, de la lutte contre le terrorisme –, il a finalement déclaré : « Toute mise en cause de la moralité de l’armée est révoltante et inacceptable. » Puis d’ajouter : « Les soldats israéliens, nos enfants, respectent de hautes valeurs morales, alors qu’ils combattent des assassins assoiffés de sang dans des conditions opérationnelles difficiles. »

Lorsqu’un militaire abat d’une balle dans la tête un assaillant déjà blessé et désarmé, il convient donc de ne point trop s’en offusquer mais de se remémorer plutôt que ce fantassin, soumis au stress de « conditions opérationnelles difficiles », est un représentant d’un corps pétri d’une admirable « moralité » et de « hautes valeurs morales ». Et il n’est pas complètement sûr que de tels propos suffisent à empêcher de futurs drames – mais il est en revanche bien certain que George Orwell les aurait trouvés fort édifiants.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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