Revenez surtout quand vous voulez

Nous vivons des temps où l’incitation à la haine fait de l’audience, coco, surtout mélangée de tartufferie.

Sébastien Fontenelle  • 14 septembre 2016 abonné·es
Revenez surtout quand vous voulez
© Photo : NICOLAS MAETERLINCK / BELGA MAG / BELGA.

Alain Finkielkraut va bien, merci pour lui. Éric Zemmour aussi.

Le premier, interviewé par un collaborateur du Figaro de Serge Dassault dont la complaisance n’est pas loin parfois de tourner à la servilité, lui ment effrontément – et il aurait, de vrai, tort de se gêner puisqu’il sait, d’expérience, que les rigoureux journaleux qui lui dressent des tribunes ne sont pas allés le quérir pour lui montrer qu’il erre salement.

Il déroule donc tranquillement la déclaration que voici _: « Marwan Muhammad, le directeur du CCIF, qui vient de porter plainte contre les arrêtés anti-burkini, a organisé à la rentrée 2012 une campagne publicitaire sur le thème : “La nation, c’est nous.” Aucun Français, au sens traditionnel du terme, ne figurait sur les affiches. »_

Et tout est faux dans cette assertion.  Puisque, en effet, si le CCIF [^1] a effectivement organisé en 2012 une campagne d’affichage contre le racisme, son slogan n’était pas du tout, comme le soutient le premier publiciste préféré de la droite à réaction (PPDLDÀR) : « La nation, c’est nous. » Mais : « Nous aussi sommes la nation. » Ce qui fait bien plus qu’une mince nuance… Et quant aux affiches elles-mêmes : elles montraient des Françai(se)s de toutes les couleurs et de toutes les religions.

Alain Finkielkraut produit donc, insistons-y, des contre-vérités pour disqualifier (selon ses propres et si spéciaux critères) une organisation dédiée à la lutte contre l’islamophobie, et son intervieweur se garde bien de lui signifier qu’il divague – peut-être parce qu’il faudrait alors qu’il demande au « philosophe » de lui expliquer ce que sont au juste, selon lui, ces « Français au sens traditionnel du terme » dont il déplore mensongèrement l’absence sur des affiches dédiées à la défense du brassage des cultures, des origines et des religions, et de quelle manière la représentation qu’il s’en fait diffère, quant à son fond, de celles que véhicule l’extrême droite ?

La place me manque pour développer – where the f*_ is my_ troisième feuillet ?

Je passe donc à Éric Zemmour, qui est le second PPDLDÀR, et qui ces jours-ci fait partout la promo de son « nouveau livre » (en réalité, un recueil de ses chroniques radiophoniques) : lui aussi bénéficie d’égards journalistiques dont la constance, rapportée à la hideur sans nom de ses diatribes xénophobes, pourrait presque – presque – surprendre. À condition, bien sûr, d’oublier que nous vivons des temps où l’incitation à la haine fait de l’audience, coco, surtout si (et quand) elle se mélange de quelques doses de tartufferie de compétition. C’est ce qui explique pourquoi certain(e)s des hôtes médiatiques d’Éric Zemmour font mine de plisser le nez quand il excrète ses vilenies, puis s’empressent de les faire buzzer pour le cas que d’aucun(e)s auraient manqué un peu de cette abjection : Éric ! Comme vous y allez !_ « Qu’est-ce qu’ils vous ont fait, les musulmans [^2] ? »_ Revenez quand vous voulez : c’est toujours un plaisir de se faire gonfler l’audimat par un cracheur de venin.

[^1] Collectif contre l’islamophobie en France. www.islamophobie.net

[^2] Je n’invente rien : c’est la consternante question posée au propagandiste islamophobe par une animatrice de LCI…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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