La mission de Yannick Jadot

Yannick Jadot devra convaincre une opinion incrédule de la nécessité d’une candidature écologiste à la présidentielle.

Patrick Piro  • 9 novembre 2016 abonné·es
La mission de Yannick Jadot
© CITIZENSIDE / Samuel Boivin / AFP

Yannick Jadot sera le candidat EELV à l’élection présidentielle et le parti écologiste respire un peu : cette primaire organisée dans une certaine urgence s’achève proprement. Le député européen l’emporte nettement au second tour face à sa collègue Michèle Rivasi, avec une bonne participation – 81 % des 17 146 électeurs (dont 10 000 non encartés) ont voté.

Comme c’est généralement le cas chez les écologistes, leurs programmes étaient assez semblables, et c’est la personnalité des candidats qui a fait la différence. Après une solide carrière associative, Yannick Jadot, ancien de Greenpeace, catalogué à l’aile « droite » du parti, est élu en 2009 au Parlement européen dans le sillage du jeune mouvement Europe Écologie tiré par Daniel Cohn-Bendit, dont il est proche. Novice en politique, il monte alors régulièrement en puissance, tant par sa connaissance des dossiers que par sa prestance médiatique. Et s’il n’est guère connu du grand public (en dehors de la Bretagne, où il a fait ses classes), sa notoriété ne devrait pas tarder à suivre. Preuve en est la harangue qu’il a livrée le 27 octobre dernier au Parlement européen contre le Ceta, l’accord de libre-échange Canada-Union européenne. Lundi dernier, la vidéo avait été vue plus de 1,5 million de fois.

Quels enseignements tirer de cette désignation ? Elle signe d’abord la fin du cycle Duflot à EELV. Jadot est arrivé en tête du premier tour parce qu’il a été jugé le plus apte à devancer celle qui aura dominé le parti pendant dix ans. Mais la surprise est venue de la qualification de Michèle Rivasi, mesure du rejet cristallisé par l’ex-ministre et secrétaire nationale. Un vote limité au conseil fédéral d’EELV aurait probablement adoubé Cécile Duflot, qui pressentait tout le péril de ce scrutin auquel elle a dû se résoudre l’été dernier. L’électorat de la primaire, photographie sommaire du public d’EELV, a probablement sanctionné celle qui incarne (à tort ou à raison) le piteux bilan environnemental de l’alliance gouvernementale écolo-socialiste du début du quinquennat. Début octobre, un sondage [^1] montrait que 85 % des Français jugeaient inefficace l’action d’EELV depuis 2012. Cette primaire enfonce un clou : la demande accrue d’autonomie pour l’écologie politique.

Ensuite, ce qui n’était pas évident, Yannick Jadot n’a pas perdu de terrain en critiquant la prétention de Cécile Duflot à devenir « la première présidente écologiste de France ». Lui-même prétendait-il faire de la figuration ? Ce n’est pas le cas, mais la mission Jadot apparaît désormais plus clairement depuis lundi dernier : la course présidentielle – la plus antinomique des élections pour les écolos, qui n’ont jamais montré de goût pour la personnalisation en politique – n’est pas sa priorité. C’est audible dans son discours d’investiture : la tribune médiatique du scrutin de 2017 devra servir à la refonte d’un parti mis à la dérive par ses déboires des derniers mois, à faire aussi bonne figure aux législatives de 2017, et à renforcer la présence écologiste au niveau municipal.

Il faudra à Yannick Jadot une bonne dose de pouvoir de conviction pour voir décoller son audience. La candidature écologiste est créditée de moins de 3 % des intentions de vote, et dans le sondage pré-cité, 53 % des personnes la jugent « inutile » ou « plutôt inutile ». Ce à quoi les cadres du parti rétorquent : « Si nous ne sommes pas là pour en parler, personne ne fait rien pour l’écologie. » Il y a du pain sur la planche pour dissoudre la contradiction, et d’abord auprès d’au moins 500 élus afin de recueillir les parrainages nécessaires pour concourir effectivement en 2017.

Le candidat mise sur sa personnalité « consensuelle », et les faits lui ont donné raison dans l’entre-deux tours. À l’aile gauche du parti, dont certains prédisaient qu’elle allait barrer Jadot, Karima Delli (9,8 % au premier tour de la primaire) a apporté son soutien pragmatique à celui qui apparaît comme le meilleur rassembleur. Une vingtaine d’élus proches de Cécile Duflot se sont engagés également, estimant qu’il porte « sur le fond comme sur la forme le plus grand potentiel pour faire émerger l’écologie politique, en toute autonomie vis-à-vis des autres forces politiques ». Lundi soir, Yannick Jadot insistait sur sa volonté de rassembler le plus largement possible la famille écologiste (c’est-à-dire jusqu’au centre). Un discours qui pourrait décider Nicolas Hulot, dont il est proche, à s’engager dans la campagne sous une forme ou une autre. Le soutien du plus populaire des écolos français apparaît aujourd’hui comme le plus solide atout pour justifier le maintien jusqu’au bout d’une candidature écologiste.

[^1] Elabe pour BFMTV.