Gérard Collomb, symbole de la dérive des socialistes

En dix-sept mois passés au ministère de l’Intérieur, l’ex et futur (?) maire de Lyon a développé une orientation ultra-répressive tant face aux migrants qu’en matière de sécurité.

Michel Soudais  • 4 octobre 2018 abonné·es
Gérard Collomb, symbole de la dérive des socialistes
© Photo : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Gérard Collomb était un pilier de la macronie. Après avoir annoncé, parmi les tout premiers, au printemps 2016, son soutien et son espoir que le ministre de l’Économie de François Hollande accède à l’Élysée, le sénateur maire de Lyon a appuyé cette candidature de tous les moyens en sa possession, y compris peut-être municipaux – la justice qui est saisie d’une plainte à ce sujet le dira. Ce faisant, il a légitimé le candidat En marche ! auprès d’une large part de l’électorat socialiste. Car avant d’être macronien, Gérard Collomb était une figure du Parti socialiste, président de son conseil national de 2003 à 2015.

Souvent moqué par ses camarades pour ses propos droitiers, notamment sur le mariage homosexuel auquel il était hostile, il n’avait jamais été ministre avant l’élection d’Emmanuel Macron, bien qu’il ait participé à la refondation du PS dès la fin des années 60. Il s’était toutefois fait un nom auprès d’eux et avait acquis une certaine aura en conquérant en 2001 la mairie de Lyon, dans des élections municipales marquées au plan national par la perte de nombreuses villes détenues par le PS. Rares étaient ses camarades de parti à s’inquiéter de sa gestion qui alliait opportunisme économique et autoritarisme sécuritaire.

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Elle annonçait pourtant ce qu’a été son action ministérielle. Ministre d’État en charge du ministère de l’Intérieur, il a pris pour directeur de cabinet, Stéphane Fratacci, ancien secrétaire général du ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce qui signait d’entrée une orientation répressive en matière migratoire, manifeste dès de son premier déplacement à Calais. Il s’y montrait d’emblée plus proche des Identitaires que des humanitaires.

Une inquiétante dérive sécuritaire

Une orientation confirmée avec la « circulaire Collomb » sur le recensement, ou plutôt le tri, des étrangers dans les centres d’hébergement d’urgence, rejetée par les associations d’aide aux migrants et dont le défenseur des droits a demandé le retrait, en vain. Ou encore la loi Warsmann sur le dispositif « Dublin » qui a eu pour effet de bloquer la réforme du règlement du même nom, contrairement à ce que le candidat Emmanuel Macron disait rechercher. Et surtout la funeste loi asile, immigration et intégration, véritable « code de la honte », qui allonge la durée de placement en centres de rétention, légalise la détention administrative des enfants… Sans oublier les pratiques indignes des forces de l’ordre contre les réfugiés (destruction de tentes, de duvets…) couvertes par le « premier flic de France », indifférent au drame qui se joue toujours en Méditerranée, sourd aux appels des ONG.

Le nom de Gérard Collomb restera aussi attaché à la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 qui a fait entrer dans le droit commun plusieurs dispositions jusqu’ici applicables uniquement en cas d’état d’urgence, témoignant d’une inquiétante dérive sécuritaire.

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En quittant la place Beauvau, Gérard Collomb s’est dit fier, dans un entretien au Figaro, d’avoir _« impulsé » ces « réformes », heureux également d’avoir obtenu, « grâce à la confiance du président de la République », que « le budget du ministère de l’Intérieur progresse de 3,4 % » en 2019, « alors que le budget de l’État observera une croissance de 0,8 % ».

En un an, cinq mois et six jours passés place Beauveau, Gérard Collomb aura été la figure de proue et le symbole de l’extrême dérive idéologique de tous les socialistes – ils sont nombreux – ralliés à Emmanuel Macron. « Comment est-ce possible de trahir à ce point ce qu’on a pu être ? » demandait la semaine dernière Olivier Faure, le patron du PS, devant quelques journalistes. À cette question, comme d’autres sur le bilan du quinquennat Hollande, le PS évitera de répondre. Mardi soir, à l’annonce de la démission de Gérard Collomb, le bureau national du PS a fait part de son inquiétude dans un communiqué : _« La maison France n’est plus tenue. » Elle l’était donc ?